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SIXIÈME JOUR

Mais comme, contre mon gré, j’ai reconnu que parmi vous ces quatre — et elle me désigna avec trois autres — sont des opérateurs paresseux et que, dans mon amour pour tous, je ne demande cependant point à les désigner pour leur punition bien méritée, je voudrais cependant, afin qu’une telle paresse ne demeurât point impunie, ordonner ceci : Seuls ils seront exclus de la septième opération, la plus admirable de toutes ; par contre on ne les exposera à aucune autre punition plus tard, quand nous serons en face de Sa Majesté Royale ».

Que l’on songe dans quel état me mit ce discours ! La vierge parla avec une telle gravité que les larmes inondaient nos visages et que nous nous considérions comme les plus infortunés des hommes. Puis la vierge fit appeler les musiciens par l’une des servantes, qui l’accompagnaient toujours en nombre, et on nous mit à la porte en musique au milieu d’un tel éclat de rire que les musiciens eurent de la peine à souffler dans leurs instruments tant ils étaient secoués par le rire. Et ce qui nous affligea particulièrement, ce fut de voir la vierge se moquer de nos pleurs, de notre colère et de notre indignation ; en outre, quelques-uns de nos compagnons se réjouissaient certainement de notre malheur.

Mais la suite fut bien inattendue ; car à peine eûmes-nous franchi la porte, que les musiciens nous invitèrent à cesser nos pleurs et à les suivre gaiement par l’escalier ; ils nous conduisirent sous les combles, au-dessus du septième étage.

Là nous retrouvâmes le vieillard, que nous n’avions pas vu depuis le matin, se tenant debout devant une petite lucarne ronde. Il nous accueillit amicalement et nous félicita de tout cœur d’avoir été élu par la vierge ; mais il faillit mourir de rire quand il sut qu’elle avait été notre désolation au moment d’atteindre un tel bonheur.

« Apprenez donc par cela mes chers fils », dit-il, « que l’homme ne connaît jamais la bonté que Dieu lui prodigue ».