Page:Andreae - Les Noces chymiques, 1928, trad. Auriger.djvu/83

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
57
TROISIÈME JOUR

Alors la vierge ne put s’empêcher de dire : « Je croyais vous apprendre beaucoup et me voici prise à mon propre piège ; je voudrais cependant savoir si d’autres prendront la parole ? »

« Certes, » répondit un troisième. « Jamais on ne m’a raconté plus étonnante aventure que celle qui m’est arrivée. Dans ma jeunesse, j’aimais une jeune fille honnête, et, pour que mon amour pût atteindre son but, je dus me servir du concours d’une petite vieille, grâce à laquelle je réussis finalement. Or, il advint que les frères de la jeune fille nous surprirent au moment où nous étions réunis tous les trois. Ils entrèrent dans une colère si violente qu’ils voulurent me tuer ; mais, à force de les supplier, ils me firent jurer enfin de les prendre toutes les deux à tour de rôle comme femmes légitimes, chacune pendant un an. Dites-moi, messeigneurs par laquelle devais-je commencer, par la jeune ou par la vieille ? »

Cette énigme nous fit rire longtemps ; et quoique l’on entendit chuchoter, personne ne voulut se prononcer.

Ensuite, le quatrième débuta comme suit :

« Dans une ville demeurait une honnête dame de la noblesse, qui était aimée de tous, mais particulièrement d’un jeune gentilhomme ; comme celui-ci devenait par trop pressant, elle crut s’en débarrasser en lui promettant d’accéder à son désir, s’il pouvait la conduire en plein hiver dans un beau jardin verdoyant, rempli de roses épanouies, et en lui enjoignant de ne plus reparaître devant elle jusque-là. Le gentilhomme parcourut le monde à la recherche d’un homme capable de produire ce miracle et rencontra finalement un petit vieillard qui lui en promit la réalisation en échange de la moitié de ses biens. L’accord s’étant fait sur ce point, le vieillard s’exécuta ; alors, le galant invita la dame à venir dans son jardin. À l’encontre de son désir, celle-ci le trouva tout verdoyant, gai et agréablement tempéré et elle se souvint de sa promesse. Dès lors elle n’exprima que ce seul souhait, qu’on lui permît