Page:Andry - Traité des aliments de carême, 1713, tome I.djvu/185

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renferme, étant de sa nature un peu trop froid, produit à la longue un chyle crud, indigeste & picotant. La laituë est bonne à ceux que la bile incommode, & qui ont l’estomac trop actif. Elle se peut manger cuite ou cruë ; mais elle convient mieux cuite aux estomacs foibles[1]. Comme elle est trés-froide, on a crû long-temps qu’elle rendoit steriles les hommes & les femmes ; & c’est ce qui la fit nommer anciennement la nourriture des Morts νεκύων βρώμα : ce nom fut cause qu’on la regarda chez plusieurs Peuples avec une espece d’horreur ; & Pline rapporte qu’il a été un tems où l’on auroit crû faire une espece de crime d’en manger[2]. Les Anciens conservoient les laituës avec du vinaigre & du miel[3] : aujourd’hui on les conserve avec le sel, le poivre, le vinaigre, & le laurier ; & quand on les veut manger, on les fait dessaler & cuire : cette préparation ne corrige pas peu la crudité de la laituë. Au reste, de toutes les laituës, la Romaine est la plus saine. Les autres ont un suc, qui est un peu trop narcotique.

  1. Tollitur enim frigiditas eximia lactucæ, unicâ ebullitione in aquâ ferventi, factâ. Quercet. diætet. Polyhistor. sect. 1. cap. 2.
  2. Cum priores caverent, Religione nunc omni caret. Plin. lib. 19. cap. 8.
  3. Plin. ibid.