Page:Andry - Traité des aliments de carême, 1713, tome I.djvu/372

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& ces vieilles carpes qu’on estime tant, pour leur énorme grosseur, sont dures, coriasses, & fort mal-saines.

Quelques-uns ont voulu faire passer la carpe pour un mauvais poisson ; l’Auteur du Traité des Dispenses s’éleve, avec raison contre ce sentiment[1] ; mais les moïens dont il se sert pour le combattre, sont singuliers. « On ne voit pas trop, dit-il, par où la carpe seroit d’une si mauvaise qualité. On la croit pleine de sucs impurs, & cependant elle abonde en soufre & en volatil, au sentiment de M. Lemeri. On la trouve froide & pituiteuse ; aucun autre poisson n’a pourtant tant de vrai sang qu’elle (ce sont les propres termes de l’Auteur) on la fait passer pour dangereuse à la santé, tandis qu’on l’accorde dans les maladies les plus difficiles, telle que la phthisie. Mais plus que tout cela, la grande consommation qui s’en fait, au contentement de tout le monde, est la meilleure des apologies. Quelle apparence enfin, que la Providence eût mis entre les mains & à la discrétion de tout le monde, un poisson mal-faisant, l’aïant d’ailleurs rendu le plus fecond de tous, puisqu’il porte & fait ses petits six fois l’an. Ne seroit-ce pas au contraire pour nous apprendre que l’usage en seroit seur, en Carême sur tout, où

  1. Pag. 146. de la 1. édit. & p. 243. de la 2. tom. 1.