Page:Andry - Traité des aliments de carême, 1713, tome II.djvu/211

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le jeûne soit toûjours plus difficile à pratiquer que l’abstinence. Il y a une infinité de gens, qui ne déjeûnent jamais en quelque tems que ce soit, qui font un bon repas à midi ou une heure, & qui le soir ne mangent que trés-peu, ensorte que lorsque le Carême est venu, ils n’ont presque pas de peine à jeûner. On dit presque, parce que le maigre nourrissant moins, ils ressentent un peu plus le besoin de manger.

Enfin nous observerons pour derniere refléxion, que c’est avancer une maxime dangereuse, de dire que l’on soit moins obligé à observer l’abstinence du Carême, que le jeûne : il y a bien des gens qui n’aïant pas assez de Religion pour observer exactement le Carême, ni assez d’irreligion en même tems, pour oser violer tout ensemble & l’abstinence & le jeûne, s’exemptent de jeûner, & se renferment dans l’abstinence. Or si ces gens-là venoient à se persuader une fois, qu’il y eût moins de mal à manger de la viande, qu’à ne pas jeûner, il n’y a pas à douter que la plûpart d’entr’eux, n’aimassent mieux jeûner & faire gras, d’autant plus que la viande nourrissant davantage, quoiqu’en dise l’Anonyme, le jeûne ne leur coûteroit pas beaucoup. Or on demande si cet