Page:Aneau - Alector, 1560.djvu/162

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despris, pour gracieuseté ingratitude, et pour l’amour la mort ? Helas ! cher Seigneur et ami (si de ce nom user tu me permetz), consydere et croy pour certain que de ton faict je suys enceinte, voire d’un filz merveilleux, comme les destinées de mon origine le m’ont prenoncé. Consydere donc que une tresbonne partie de toy demourera enclose et conjoincte à mon corps, lequel ne pouvant vivre sans toy, sera necessaire qu’elle meure. Ainsi seras tu homicide, et de moy et de toy mesme en partie. Mais je ne croy point, trescher Seigneur et ami, que tu ayes ce dur coeur. Parquoy, di moy, je te suppli, di moy à certes, si j’ay de toy celle triste parolle de depart entendue ou si par imaginative crainte je l’ay songée, que pleust aux dieux ! Et ce disant, se jecta à bras ouvers à mon col en m’embraçant et baisant tresfamilierement, et m’arrosant le visage de pleurs d’ond elle fondoit toute. Adonc, combien que je fusse grandement compassionné, neantmoins permanent et constant en mon intention, ainsi luy dis : Priscaraxe, treschère amie, encore que la departie d’avec vous me soit autant grieve comme la conversation m’a esté plaisante.