Page:Aneau - Alector, 1560.djvu/27

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d’un coup tuer les deux amans ; mais la malheureuse flesche attaignit la belle Noemie par le flanc droict et luy passa jusques au coeur, dond tout soudain sa blanche chair, chemise et manteau de damas blanc prindrent couleur vermeille. La pucelle sentant interieurement ce coup mortel s’escrya en cry estraingnant :

« Las! Je suys ferue à mort pour vous (mon amy Alector). De noz amours a esté brieve la jouyssance, et bien triste la defaillance, la fleur de ma beauté et jeunesse aussi tost passée, comme la rose matinalle au soir descheüe et flaistrie. Mais la mort m’est d’autant moins grieve de ce que je suys occise vous sauvant du coup mortel et de ce que je meurs entre vos bras, mon doux ami, vous en laissant la vengence. »

A ces motz lui faillit la parolle, et ses yeux mourans abaissez, enclina sa bouche sur la face de son ami. Alector, pensant l’alleger, luy tira la malheureuse sagette ; mais au tirer avec le sang la vie s’en alla, et tomba morte celle peu paravant tant belle creature, aux pieds de son ami, tant triste et enragé de fureur pour celluy coup que, obliant soy mesme et le peril propre où il estoit, par ardeur de vengence de sa Noe-