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XVIII


 
Quand ton premier baiser se posa sur mon front,
Un orgueil resplendit en moi, une allégresse
Pareille au rayon pourpre, irrésistible et prompt
Qui sur les monts soudain illuminés s’empresse,

Et, traversant d’un trait l’ombre triste, la rompt,
Mon front immaculé méritait sa richesse,
Et j’avais conservé pure de tout affront
La place chère et fière où tu mis ta caresse.

Quand ton premier baiser se posa sur ma lèvre,
Je ne tressaillis pas d’un transport triomphal,
Mon sang ne bondit point d’impétueuse fièvre,

Je demeurai confus, humble, pâle, immobile,
Car je sentis frémir, sous ce baiser royal,
De mes anciens baisers la multitude vile.