Page:Angellier - Dans la lumière antique, Le Livre des dialogues, t1, 1905.djvu/144

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Recule-toi ! Merci d’avoir montré sa route
À celle que ne doit retenir aucun lieu !
Le chagrin que ton cœur trop ingénu redoute,
Le temps, d’autres amours le guériront ! Adieu !

Elle s’éloigne par le sentier abrupt qui franchit la colline. Le jeune homme la suit tristement des yeux. Lorsqu’elle est à quelque distance, il voit passer, entre elle et lui, un jeune paysan qui revient du travail avec sa femme. Celle-ci porte dans ses bras un enfantelet dont la tête endormie pose sur l’épaule maternelle ; et l’homme tient par la main un enfant un peu plus âgé dont les petits pas se multiplient pour accompagner les siens. Ils se parlent en se souriant.

En apercevant cette image de ceux qui acceptent et transmettent la vie, et ne la discutent pas, le jeune homme sent éclater son chagrin et laisse tomber sa tête dans ses mains. L’étrangère, parvenue au sommet de la colline, se retourne comme pour le voir encore et semble hésiter un instant. Mais lui, le front courbé, ne l’aperçoit pas. Elle se ressaisit par un geste brusque, et s’élançant sur l’autre versant, elle disparaît.