Page:Angellier - Dans la lumière antique, Le Livre des dialogues, t1, 1905.djvu/20

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Ignorent les désirs, les cris et les souffrances ;
Sa flèche d’or est plus terrible que les lances
Dont le manche de frêne et la pointe de fer,
Perçant les boucliers, s’enfoncent dans la chair,
Et renversent les corps sur leur mare sanglante.
La blessure qu’il fait est plus profonde et lente ;
Dans ceux qu’il a frappés l’angoisse de mourir
Se prolonge ; leur peine, ô fils, est de sentir
Qu’ils ne pourront plus vivre ; ils ont, sur leurs fronts blêmes,
L’horreur de se savoir le sépulchre d’eux-mêmes ;
Le soleil et l’azur dont ils sont entourés
Ne peuvent plus toucher leurs yeux désespérés
Que pour accroître en eux la stupeur funéraire.
À son embûche essaye, ô fils, de te soustraire,
Et que les passions soient la mer que tu vois
De ce petit vallon paisible, et dont la voix
Redoutable se mêle aux soupirs de ton saule.
Elle est douce parfois, et caresse le môle
Où les pêcheurs chantant sont forcés de hâler
Leur barque dont la voile a peine à se gonfler,
Et sa douceur semble être un des bonheurs du monde.
Mais bientôt tu l’as vue, atroce et furibonde,
De tempête remplir l’horizon et le ciel,
Et, comme n’attendant qu’un formidable appel,