Page:Angellier - Dans la lumière antique, Le Livre des dialogues, t1, 1905.djvu/22

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J’ai vu des matelots rentrer de leurs voyages :
Leurs corps étaient brûlés et secs, mais leurs visages
Étaient plus beaux, plus sûrs, plus achevés que ceux
Des hommes de la rive ; et surtout, dans leurs yeux,
Vivait une lueur plus profonde et plus grave,
Triste, il est vrai, mais si résignée et si brave
Que j’ai souvent pensé que seuls les ouragans,
Les traitant en égaux, les avaient faits plus grands,
Et qu’ils avaient trouvé dans leurs dangers un rêve
Qu’on ne discerne pas de notre pauvre grève.
Et peut-être en est-il de même de l’Amour !


Le Vieillard.

Tu n’as connu que ceux qui fêtaient leur retour !
Mais l’épouvante au creux des houles entr’ouvertes,
Le morne désespoir sur des rives désertes,
Les yeux presque vidés de fixer l’horizon,
L’attente et la détresse où s’use la raison,
La bête renaissant autour d’un débris d’homme,
L’agonie où l’affreux supplice se consomme,
Pour qu’un jour un vaisseau, découvrant des îlots,
Trouve des ossements blanchis au bord des flots,