Page:Angellier - Dans la lumière antique, Le Livre des dialogues, t1, 1905.djvu/38

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Ce que l’Amour eût pu nous révéler de nous.
Et l’homme trop prudent, de soi-même jaloux,
Est comme un manuscrit dont nul ne sait le terme,
À demi déroulé quand la Mort le referme.
Ceux-là vivent vraiment qui choisirent d’aimer.
Plutôt que de s’éteindre osant se consumer ;
Leur regard, éclatant de larmes et de flamme,
Pénètre en nous si loin qu’il agrandit notre âme.
Mieux vaut, pour un rameau, brûler que de pourrir.
Et pas une des fleurs dont il eût pu fleurir
N’a l’éclat de la fleur de feu qui le dévore !
Dans le calme insensible où tu veux les enclore,
Où nul vent ne respire et nul rayon ne luit,
Recouverts d’une mousse et d’un lichen d’ennui,
Les cœurs, désagrégés en déchéance sourde,
Pris de la pestilence intérieure et lourde
Qui suinte aux troncs verdis, les creuse et les moisit,
Périraient ! Plus heureux le chêneau qui choisit
De croître et de lutter au haut d’une colline :
Il tord ses bras dans l’air, crispe au sol sa racine,
Et battu par l’orage, et brûlé par le sel,
S’emplit dans tous les vents d’un gémissant appel ;
Mais il n’est point privé de caresses vermeilles,
Il a son nid d’oiseaux, et sa ruche d’abeilles,