Page:Angellier - Dans la lumière antique, Les Épisodes, p1, 1908.djvu/40

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Je finis, en jouant, par ne plus les entendre ;
Et je les entends trop lorsque je vais suspendre
Ma flûte fatiguée aux branches de ce pin :
Dans ma tête obsédée ils renaissent sans fin.
Parfois, mon compagnon, jeune gardien de chèvres,
— Nul ne sait mieux loger un collet pour les lièvres —
Afin que nous causions, mène de mon côté
Son troupeau dangereux et toujours agité.
Il faut tenir les yeux sur ces bêtes hardies,
Elles ont de la ruse en semblant étourdies,
Leurs jeux déconcertants savent les rapprocher
De l’objet que leur œil n’a point l’air de chercher,
Et quand on les soupçonne, elles l’ont dans la bouche !
On pense si mon blé tentant et mûr les touche !
Il faut à chaque instant crier, être debout,
Courir la verge en main, frapper, manquer son coup,
Car elles ont un bond de côté qui les gare !
Le désordre s’y met, tout le troupeau s’effare,
Se sauve, s’éparpille ; il faut les rassembler ;
Et je ne cesse pas, tout ce temps, de trembler.
Mon camarade rit : il connaît leurs manières ;
Son dos, quoi qu’il arrive, est sauf des étrivières
Que sentira le mien, si les blés sont touchés !
Ainsi, dans l’herbe, l’un près de l’autre couchés,