Page:Angellier - Dans la lumière antique, Les Épisodes, p1, 1908.djvu/41

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Nous tenons des propos que la crainte me gâte,
Si bien, quand il s’en va, que parfois je me tâte
Pour savoir si je suis ou triste ou soulagé.


Mais, d’autres fois, prenant le chemin allongé,
La file du vannier vient me voir et s’arrête !
Elle apporte sa folle humeur à ma retraite,
Et ses yeux noirs voilés par ses cheveux crépus,
Et ses propos taquins de rire interrompus,
Et son geste mutin qui menace et qui frappe.
Du panier elle tire une figue, une grappe
De raisin qu’elle m’offre et bien vite reprend,
Joyeuse d’amener ma bouche, en la leurrant,
Si près d’elle qu’enfin je lui baise la joue.
Sa chevelure épaisse et brusque se dénoue
Et couvre mon baiser qui la fait moins rougir,
Mais si, vers ses doux seins, ma main veut s’enhardir,
Renouant ses cheveux et prenant sa corbeille,
Elle s’enfuit fâchée, et rapide et pareille
À la biche qu’effraie un aboiement lointain.
Je reste tout honteux, confus et incertain.
Mais quelque jour prochain la ramène rieuse ;
Elle s’assied sur mon manteau brun, oublieuse