Page:Angellier - Robert Burns, II, 1893.djvu/11

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trois cents ans ; tel autre, abandonné, mène, dans les bas fonds des grandes villes, une existence de rapines comme en vie sauvage. Les états de civi- lisation oii grandissent ces jeunes êtres sont séparés par des centaines d'années ; ils ne sont pas contemporains. Là encore chaque cas est à étudier à part. Enfin il est inutile de relever, dans le détail , tant de négligences et de distorsions de faits, au moyen desquelles, en omettant ici ce qui est important, en grossissant là ce qui ne l'est pas, en établis- sant des points de conqiaraison également défigurés et déformés , on obtient une apparence de logique.

On dira peut-être que ce ne sont là que des erreurs matérielles qui ruinent l'applicatiou du système sur un point donné. Il se pourrait que les cadres en restassent solides et que, mieux remplis, ils fussent capables de vérité. Mais ce qu'il y a de plus grave , c'est que , dans quelques conditions qu'il fût appliqué, ce système était condamné à l'avance, parce que la conception même en est radicalement défectueuse.

L'idée de race pure, sur laquelle repose tout l'édifice, est flottante, peu solide et controversée. Mais alors même qu'elle aurait quelque chose d'exact pour le physique, elle ne peut avoir aucune solidité pour le moral. Et cela pour deux raisons. D'abord parce que rien ne prouve que quelques différences dans les caractères corporels, si faibles d'ailleurs et si superficielles , la courbe d'un nez , la couleur des yeux ou des cheveux , entraînent des différences et des différences capitales dans le régime intellectuel. Ensuite , parce que la psychologie des races est encore plus problématique. Il ne suffit pas d'appliquer quelques adjectifs vagues à quelques dénominations ethnologiques pour obtenir l'âme d'uue fraction de l'humanité. Cette psychologie semble d'ailleurs impossible à établir. Il n'y a pas de commune mesure dans les jugements moraux réciproques des races les unes sur les autres. Le jugement tombe autant sur celui qui juge que sur celui qui est jugé. L'excès que je trouve à quelque chose peut n'être qu'une déclaration de mon insuffisance sur ce point-là. Le trop et le trop peu, qui sont au fond de toute appréciation, peuvent être un verdict sur moi plus que sur celui que je vise. Il n'y a pour de pareilles sentences aucune échelle, et à ce conflit aucun arbitrage. De telles décisions peuvent alimenter des habitudes , des satisfactions d'esprit ; elles alimentent des préjugés , le plus souvent. C'est un système qui détruit son application ; car, si tout homme est le résultat d'un ensemble, le critique qui prétend l'apprécier est un résultat pareil. Ses appréciations manifestent avant tout son état d'âme. La façon dont il voit les autres ne donne en réalité de renseignements que sur lui- même. Il définit par ses avis sa manière de comprendre. Nous ne nous dissimulons pas que cette difficulté atteint toute espèce de critique, mais avec des effets divers. Elle passe sans la blesser à travers la critique qui sait et avoue qu'elle n'est qu'une prédilection mobile, ondoyante,