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Page:Angellier - Robert Burns, I, 1893.djvu/113

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Rev. Mac Math ; et pendant 1786, r Ordination , l'Adresse aux rigidement vertueux et la Sainte-Foire, que ses biographes rangent parmi ses satires religieuses et que nous serions plus disposé à mettre parmi ses poèmes locaux comme la Veillée de la Toussaint et les Joyeux Mendiants. C'est toute une série de pièces pleines de bon sens, d'esprit et d'éloquence. Quelques-unes , comme l'Ordination et YEpltre à John Goldie sont trop spéciales et locales. Mais les autres conservent leur intérêt en dehors des circonstances qui les ont produites.

Si Burns, dans ses démêlés avec le clergé ambiant, s'était contenté de fouailler tel révérend ou tel ancien, il n'aurait fait qu'œuvre de repré- sailles individuelles. Il aurait pu déployer des qualités de satire et des ressources d'invectives, sans cesser de faire une besogne toute personnelle, comme s'il avait élargi des épigrammes et leur avait donné l'envolée et le cinglement retentissant de pièces lyriques. Mais il a été bien au delà et, après avoir attaqué et bafoué la discipline presbytérienne sous la forme et sous les noms qu'elle revêtait en face de lui, il s'en prit à la doctrine elle-même. Il en saisit, avec une parfaite clairvoyance, les points essen- tiels, c'est-à-dire l'omniprésence diabolique qui causait toutes les terreurs, et cette morale inflexible, sans compassion pour la faiblesse, sans notion de pardon, qui cachait, sous son écorce de dureté, bien des hypocrisies. Ces points il les attaqua en eux-mêmes, sans mélange de rancune, hors du rapetissement qui prend les questions présentées dans des querelles personnelles. C'est par ces coups portés à la doctrine que Burns mérite surtout d'être placé au nombre de ceux qui contribuèrent à l'émancipation de l'esprit écossais, pendant le xviii® siècle.

On a Ml quelle place tient dans la religion puritaine l'idée du Malfai- sant. Une doctrine qui repose sur la déchéance de la nature humaine et sur sa dégradation, ne peut manquer de faire une large place à l'esprit du mal. Selon elle, chacun vit assailli par la tentation, est destiné à la dam- nation. Les hommes sont normalement la proie du diable ; il faut, pour en retirer quelques-uns, le sauvetage miraculeux de la grâce. Cette doctrine, tombant dans un pays sombre, où le sang est superstitieux, où la nature a quelque chose de mystérieux et de menaçant, où les anciennes croyances féeriques mal détruites renaissaient sous des formes nouvelles, devait y prospérer étrangement. Beprise, colportée, développée en d'innombra- bles sermons hurlés par des prédicateurs démoniaques, avec de tels cris qu'ils semblaient avoir les pieds dans le soufre, elle était devenue un épouvautail ; elle avait terrorisé toutes les âmes. Ces gens vivaient dans un frisson continuel des mauvais esprits. « A leur tête était Satan lui-même, dont le plaisir était d'apparaître en personne, attirant ou terrifiant tous ceux qu'il rencontrait. Un jour il visitait la terre sous la forme d'un chien noir, un autrejour sous celle d'un corbeau ; un autre jour on l'entendait