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rancune contre le clergé et chaque fois qu'il trouva l'occasion de glisser dans ses poèmes une méchanceté ou une insolence à son adresse, il n'y manqua jamais. C'était un souvenir de l'escabeau de pénitence.

II.

LE FLOT DE POESIE. — LA VISION.

Au courant de cette lutte contre le clergé, au milieu de ces trou- bles de colère, d'indignation et de rancune, sa vocation littéraire, d'un très beau mouvement et par une ascension assurée, se dégageait et se manifestait de telle façon qu'il fallait bien qu'elle devînt claire à tous les yeux. Après tant d'années de lectures, d'essais, d'observations, après une si longue et si opiniâtre préparation, ce trésor accumulé allait enfin s'ouvrir ; les riches ressources et les économies prolongées de cet esprit se répandre tout à coup. Et au fur et à mesure de cette production, il n'est pas sans douceur de le voir prendre conscience de son génie, de voir son ambition, après des hésitations et des tâtonnements, d'abord mesurée et indécise, s'affermir, se hausser et regarder en face l'entreprise et l'effort.

Jusqu'au moment où il entra à la ferme de Mossgiel, Burns avait, somme toute, peu produit et rien de très important. Une vingtaine de chansons sur les fillettes dont il avait été amoureux, quelques para- phrases de psaumes, la ballade de /(?aw Grain d'Orge, quelques fragments inachevés, la Mort et les dernières paroles de la pauvre Mailie, composaient son bagage. Le tout lient en quelques pages et , sauf quelques-unes des chansons, n'est pas essentiel à sa gloire. Si l'on répand cela sur une dizaine d'années, on a un bien petit tas pour chacune. C'étaient, en outre, des pièces tout accidentelles, faites sur une occasion personnelle et qui avaient assurément demandé moins de travail à Burns que certaines de ses lettres. L'ensemble n'indique pas la volonté de produire, et aucune de ces pièces n'est en soi un effort bien sérieux. Mais les choses ne tardèrent pas à changer, peu après l'installation à Mossgiel. Son œuvre littéraire partit comme un Ilot, abondante, pressée, copieuse, rapide et d'une perfection achevée.

Elle préluda tout à lait à la fin de 1784, vers le mois de novembre, avec YEpitre à Rankine^ la Bienvenue du Poète à son Enfant illégitime et la pièce satirique des Deux Pasteurs , pour commencer vraiment en janvier 1785. Pendant l'année 178.5 et les premiers mois de 1786, vinrent, en une succession rapide, presque toutes les pièces qui constituent sa gloire, le fameux volume de Kilmarnock en entier. De janvier à la fin de mars , parurent VEpître à Davie, la Prière du Saint Homme Willie, la Mort et le