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qui l'étudient de près cette merveilleuse explosion de poésie. Les prin- temps tardifs, oii les sèves longtemps contenues éclatent soudain de toutes parts et à toutes les branches, ont seuls de pareilles frondaisons.

On comprend que, pour fournir en un temps si court une pareille abondance devers, il fallait qu'il fût continuellement en état de poésie. C'était en effet sa façon d'être habituelle ; il la portait dans tous les mo- ments et dans toutes les occupations de toutes ses journées.

chère, chère rime ! c'est toujours un trésor.

Mon principal, presque mon unique plaisir ;

A la maison, aux champs, au travail, au repos,

La muse, pauvre fillette.

Bien que sa mesure soit rude.

Est rarement à ne rien faire *.

Sa tête était toujours en animation et en travail de poésie, tantôt avec volonté, tantôt, comme disent les théologiens, par une activité indéli- bérée. L'inspiration fermentait et fumait en lui sans trêve.

Juste à l'instant je suis pris d'un accès de rime,

Ma caboche en levure travaille fortement,

Ma fantaisie fermente et monte haut

D'une poussée rapide ;

Avez-vous un moment de loisir

Pour écouter ce qui va venir ? 2

Souvent il travaillait à plusieurs pièces à la fois. Presque toujours la composition était instantanée, elle sortait des faits eux-mêmes ; c'était une impression, une émotion brusquement saisies en vers. Elles n'avaient pas le temps de se refroidir ; elles étaient prises, martelées sous la rime, fa- çonnées en strophes pendant qu'elles étaient chaudes. Il se prend, un soir, de pique avec le maître d'école de Tarbolton, personnage inoffensif et ridicule qui affectait le médecin. Le soir même, en s'en retournant, il com- pose sur la route la Mort et le Docteur Hornbook qu'il récite le lendemain àson frère ^. Un autre soir, à Mauchline, il entre avec deux amis dans le cabaret de Poosie Nansie, où était réunie à boire et à chanter une troupe de gueux vagabonds, ctquelquesjours après il dit à un de ses amis la pièce des Joyeux mendiants '*. La plupart de ses épîtres sont de véritables lettres écrites au courant de la plume, composées dans le temps qu'il fallait pour les griffonner.

1 Second Epislle to Duvie. "^ Epislle to James Smiih.

3 Gilbert. Lcllcr to D^ Currie, respecting the composition of fiis Brottieis Pocms.

4 Chambers, tome I, p. 182-83.