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eussent leur place dans la poésie populaire. A ses plus hauts moments, il prononçait les noms d'Allan Ramsay et de Fergusson. Sauf le génie, il a été un de ces mille poètes qui célèbrent les mérites de leur canton. Il y a un vers de Keats qui semble avoir été fait pour lui. Dans une de ces pièces oii ce charmant esprit refaisait d'instinct la vie des anciens Hellènes, il parle de ces poètes qui moururent

Laissant une grande poésie à un petit clan^.

Il avait compris, par la divination qu'il a quelquefois, l'origine toute locale de quelques-unes des plus vastes œuvres de la Grèce. Il en fut exactement ainsi de Burns. Il n'a songé qu'à être le poète d'un « petit clan ». Ce fut cette ambition, et non une autre, dont on peut suivre dans son esprit l'entrée et l'affermissement.

Elle avait apparu dès la première manifestation de la poésie en lui, et on a vu que son ami Brown lui avait donné à Irvine des encouragements qui n'avaient pas été vains. Il est probable qu'elle avait peu à peu pro- gressé dans la période de maturation qui avait suivi le retour d'Irvine. On la voit pour la première fois se montrer avec une netteté qui ne laisse plus de doute, dans le Journal qu'il avait commencé à tenir à Lochlea et qu'il continua pendant un peu de temps à Mossgiel. L'ambition y est, cette fois, bien marquée et précisée dans son existence et dans ses bornes.

Quelque plaisir que je prenne aux ouvrages de nos poètes écossais, en particulier de l'excellent Ramsay et du plus excellent Fergusson, cependant je souffre de voir d'aulres régions de l'Ecosse, leurs villes, rivières, bois, prairies, etc., immortalisés dans des œuvres si célèbres, tandis que ma chère contrée natale, les anciens bail- liages de Carrlck, Kyle et Cunningham, fameux dans les temps anciens et modernes par une race d'habitants brave et guerrière ; une contrée où la Liberté civile et* surtout la Liberté religieuse ont toujours trouvé leur premier soutien et leur dernier asile ; une contrée qui a été le berceau de maints Philosophes, Soldats et Hommes d'Etat illustres, et le théâtre de maints importants événements de l'histoire d'Ecosse, particulièrement d'un grand nombre des exploits du Glorieux Wallace, le sauveur de la patrie ; tandis que cette contrée , dis-je, n'a jamais eu un poète écossais de quelque éminence, pour faire que les fertiles rives de llivine, les bois romantique? et les scènes solitaires de l'Ayr, et la source saine et montagneuse, le cours sinueux du Doon deviennent les émules du Tay, du Forlh, de l'Eltrick, de la Tweed, etc. C'est un regret auquel je serais heureux de porter remède, mais hélas ! Je suis trop au-dessous de cette tâche, en génie natif et en éducation.

Obscur je suis et obscur je dois rester, bien que jamais cœur de jeune poète ou de jeune soldat n'ait battu pour la renommée plus éperdument que le mien^.

Ce n'est encore là qu'une ambition rêvée plus que tentée , qui inspire plutôt le regret que l'effort. Par degrés cependant elle se dégage et se

1 Keats. Odes. Fragment. To Reynolds.

2 Common-place Book.