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Où jadis les Campbells, chefs illustres,
Ont tenu la force et le pouvoir ;
J'ai vu poindre ta flamme harmonieuse
A ton heure natale.
Avec des espoirs futurs, j'aimais à regarder
Affectueusement les petites façons enfantines ,
Ton rude ramage, ta phrase carillonnant
En rimes inhabiles
Allumées aux chansons simples et naïves
D'autres temps.
Je t'ai vu rechercher la grève retentissante.
Charmé par les mugissements des houles ;
Ou bien, quand les flocons accumulés du Nord
Chassaient à travers le ciel,
Je vis que la face blanchie de la farouche nature
Frappait ton jeune regard ;
Ou bien, quand la terre au vert manteau, profonde
Et chaude, soignait la naissance de chaque fleurette,
Et que la joie et la musique s'épandaient
Dans tous les bois,
Je t'ai vu contempler l'allégresse universelle
Avec un amour illimité.
Quand les champs mûris et les cieux d'azur
Appelaient le bruissement des faucheurs,
Je t'ai vu déserter leurs joies du soir
Et, solitaire, errer,
Pour dissiper les mouvements qui gonflaient ta poitrine
Dans ta pensive promenade.
Quand le jeune amour, aux rougeurs chaudes, fort,
Aigu, vibrant, courut dans tes nerfs,
Ces accents chers à ta bouche.
Le nom de l'adorée.
Je t'ai appris à les verser en chansons,
Pour apaiser ta flamme.
J'ai vu le jeu affolé de ton pouls
Désordonné te lancer dans ce sentier oblique du plaisir.
Egaré par les météores luisants de la Fantaisie,
Poussé par la Passion ;
Et pourtant la lumière qui te dévoyait
Etait, quand même, une lumière du ciel.
Je t'ai enseigné tes chansons qui dépeignent les mœurs.
Les amours , les façons des simples paysans.
Si bien que maintenant, sur tout mon vaste domaine.
Ta renommée s'étend,
Et que quelques-uns, l'ornement des plaines de Colla,
Sont devenus tes amis.