Aller au contenu

Page:Angellier - Robert Burns, I, 1893.djvu/136

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— 124 -

Après ces éloges, avec une bonne grâce et une modestie qui sont un des côtés curieux de cette pièce, la marque de la fermeté d'esprit et de la clairvoyance de Burns envers lui-même , viennent des paroles qui mesurent et qui limitent le domaine du poète. Sérieuse, la Muse continue :

Tu ne peux apprendre, ni moi l'enseigner

A peindre les paysages avec la lumière éclatante de Thomson ;

Ni à éveiller ces battements qui font fondre les âmes

Avec l'art de Shenstone ;

Ni à répandre avec Gray un flot d'émotion

Ardente sur les cœurs.

Cependant sous la rose sans rivales

L'humble pâquerette fleurit suavement;

Bien que le monarque des forêts, jette au loin

Ses bras ombreux,

Cependant la savoureuse aubépine croît verte,

Plus bas dans la clairière.

Ne murmure donc pas, ne regrette donc rien,

Efforce-loi de briller dans ton humble sphère ,

Et, crois-moi, les mines de Potosi

Ni les attentions des rois

Ne peuvent donner un bonheur qui surpasse le tien ,

poète rustique.

Les dernières strophes sont admirables. D'un bond de pensée la Muse monte plus haut et arrive au sommet oîi l'on voit les origines communes et les rapports réciproques de l'esprit et du caractère. Ce n'est plus le poète local qu'elle rassure, c'est l'homme tout entier qu'elle exhorte ; elle joint à ses encouragements un avertissement de noble morale, comme si elle considérait que, sinon l'innocence de la vie, du moins la noblesse des intentions est l'appui du talent, et comme si elle le prévenait que, en laissant détériorer son àme, il laisserait obscurcir son inspiration.

Pour le donner mes conseils eu un seul.

Entretiens toujours avec soin ta flamme harmonieuse,

Sauvegarde en toi la diguilé de l'Homme,

D'une âme toujours droite ;

El aie confiance que le Plan Universel

Pi'otègera tout le monde.

El, porte désormais ceci — dit-elle avec solennité,

Et elle noua le houx autour de mon front;

Les feuilles luisantes et les baies rouges

Frémirent bruissantes ;

Et, comme une pensée passagère, s'envolant,

Elle disparut dans la lumière,

i