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bouleverse un pied de pâquerettes, aussitôt le rapprochement s'offre à des yeux fixés toujours sur la même pensée.

Petile modeste fleur, cerclée de cramoisi ,

Th m'as rencontré dans une lieure mauvaise,

Il a fallu que j'écrase dans la poussière

Ta tige mince :

l'épargner maintenant n'est plus en mon pouvoir,

Toi jolie perle.

Toi-même, toi qui gémis sur le destin de la pâquerette,

Ce destin est le tien, à une date prochaine.

Le soc de l'âpre Ruine arrive droit

En plein sur ta jeunesse,

Bientôt, être écrasé sous le poids du sillon

Sera ta destinée ^.

Mais cette image, d'une mélancolie gracieuse, ne lui suffit pas ; il y en a une seule qui rend ce qu'il y a de démesuré et de tourmenté dans son chagrin : c'est la plus complète image de l'impuissance de l'homme, toujours la même, celle qui est empruntée aux tempêtes de mer. Il s'est détourné de la donnée de la pièce et de la suite naturelle des compa- raisons, pour introduire, de force, hors de sa place, l'image qu'il porte partout avec lui et dont il ne peut se débarrasser :

Tel est le destin de l'humble barde,

Sur le rude Océan de la vie, sous une mauvaise étoile,

11 est inhabile à consulter la carte

Du savoir prudent,

Jusqu'à ce que les houles l'emportent.

Que les rafales soufflent dur,

Et qu'il succombe i.

Cet état d'esprit produisit toute une série de poèmes d'une teinte funèbre et dont les titres suffisent à indiquer les sujets : à la Ruine, Désespoir , Lamentation. Ils sont tous éloquents. La plupart sont très personnels et, comme il arrive souvent chez Burns, pleins de détails fournis par les circonstances dans lesquelles ils ont été écrits. On y reconnaît le milieu et la saison. Dans une de ces pièces, c'est le printemps dans les champs, avec ses gaîtés de fleurs et d'oiseaux et son réveil d'occupations rustiques. La nature réjouie voit sa robe reprendre ses couleurs vernales et sa chevelure de feuillage ondule dans la brise, toute fraîche de rosée. Une fête est partout ; la violette et la primevère fleurissent ; le merle et le linot chantent ; le laboureur excite gaiement

' To a Mountain Daisy.