Page:Angellier - Robert Burns, I, 1893.djvu/152

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

- 140 -

Burns faisait allusion à cette élégance de tournure quand, en parlant de la Nymphe de la Vision, il disait:

V' Sa robe — en tartan brillant — coulait, descendait,

Laissant voir simplement la moitié de sa jambe ;

Et quelle jambe ! ma jolie Jane

Seule aurait la pareille,

Si droite, si effilée, si bien prise, si netle ;

Aucune autre n'en approchait i. '^

Elle conserva jusqu'avant dans la vie la jeunesse de démarche et l'activité qui avaient été son grand attrait. Il est probable cependant qu'elle avait dans les manières quelque chose de vif et de séduisant, et cette gaîté de caractère dont le charme est grand. Son esprit était ordinaire et on pourrait croire, si l'on s'en tenait à ses premières relations avec Burns, que son cœur l'était encore davantage.

Et cet amour lui-même, quelle place occupe-t-il dans la nomenclature des amours de Burns ? Violent, véhément, sincère, il le fut sans doute; mais ce sont là des caractères qui peuvent être communs à bien des passions dont l'essence est différente. Si on regarde d'un peu plus près celui-ci, on ne tarde pas à voir qu'il relevait presque exclusivement des sens. Ce qui frappe dans les pièces qui s'y rattachent, c'est le ton voluptueux qui y domine. Elles sont faites uniquement de sensations physiques, contenues dans des expressions brillantes.

Ce ne sont pas des pensées poétiques, feintes et vaines ,

Qui réclament mes tristes lamentations délaissées de l'amour :

Ce n'est pas un pipeau de berger, des chants d'Arcadle,

Ni des tortures imaginaires, bizarres et faibles ;

La foi échangée, la flamme mutuelle ,

Les pouvoirs célestes souvent attestés,

Le tendre nom de père qui m'était promis,

C'étaient là les gages de mon amour.

Quand ses bras étreiguants m'encerclaient ,

Comme les instants extasiés s'envolaient !

Combien j'ai souhaité les charmes de la fortune

Pour l'amour de ma chérie, de ma seule chérie !

El faut-il que je le pense ! est-elle partie

La fierté secrète de mon cœur joyeux,

Et entend-elle, insouciante, mes plaintes.

Et est-elle à jamais, à jamais perdue ? ^

Les souvenirs auxquels se complaisent ces « pensées qu'il rassemble comme un trésor ^ » , ont parfois une infinie douceur de caresse, parfois

1 The Vision.

2 The Lament.