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Mossgiel et habité alors par le colonel Hugh Montgomery , une jeune fille des Hautes-Terres, nommée Mary Campbell. Elle était employée comme servante et avait charge de la laiterie. Elle avait été auparavant chez Gavin Hamilton, l'ami de Burns, où il est probable que celui-ci la vit pour la première fois^ C'était une étrangère, et on se rappelle peu de chose d'elle ; personne ne se doutait de la poésie qui glorifierait un jour son nom. Il semble probable que Burns avait déjà tenté de lui faire la cour, car sa sœur Mrs Begg se souvenait de lui avoir entendu dire à son domestique John Blane que « Mary avait refusé de le rencontrer dans le vieux château ». C'était la tour démantelée d'un ancien prieuré près de la maison de M. Hamilton^. Il est probable aussi que sa passion pour Jane avait coupé court à ces velléités.

Quand il fut repoussé par les Armour, comment se retourna-t-il vers cette jeune fille, et comment celle-ci reçut-elle des hommages qu'elle paraît d'abord avoir tenus à distance ? Peut-être fut-elle portée vers lui par cette pitié féminine que la douleur attire, et il est plus vraisemblable encore que lui alla vers elle parce qu'il souffrait. Il y a dans l'âme humaine de ces réactions. Lorsqu'elle a été endolorie par les déceptions et qu'elle est toute brisée d'une trahison, elle est prise d'un grand besoin de sécurité et de confiance. Elle va, comme un voyageur fatigué, aux sources pures et limpides qui coulent dans les âmes tranquilles et simples. Après les amours orageux, elle aspire à ceux qui calment, reposent et consolent. Mais c'est un hasardeux essai, un remède dange- reux. Car si la passion qui affole et torture revient, avant que l'affection qui apaise et guérit n'ait achevé son œuvre, le charme reprend et il ne reste alors qu'une sacrifiée. Burns était brisé ; il alla vers la douce Mary, parce qu'elle formait avec Jane un contraste complet. Blonde avec les yeux azurés des gens des Hautes-Terres, elle passe dans cette histoire agitée comme une figure touchante, et laisse après elle une impression d'affection silencieuse, de modestie et de pureté.

Ces nouvelles amours avancèrent avec une étrange rapidité. Le groupe de chants de désespoir qui maudissent la trahison de Jane couvre une partie du mois d'avril. Dès le commencement de mai, Burns s'était fiancé à Mary, avant de partir, comme il le croyait, pour la Jamaïque. Lui-même a laissé en quelques mots le récit de ces fiançailles : « Ma jeune fille des Hautes-Terres, dit-il, était une charmante créature au cœur le plus aimant qui ait jamais béni un homme d'un généreux amour. Après une assez longue durée du plus ardent attachement réciproque, nous convînmes de nous rencontrer, le second dimanche de mai, dans un endroit retiré, près des bords de l'Ayr, où nous passâmes la journée à nous dire adieu avant qu'elle s'embarquât pour les Hautes-

1 Chambers, tom. I, p. 252.