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Terres de l'Ouest, afin d'arranger les choses dans sa famille pour notre changement de vie projeté ^ ».

La scène de ces fiançailles et de ces adieux est célèbre dans l'histoire de la poésie anglaise. Tout contribue à lui donner un caractère de grâce pastorale et de mélancolie : la beauté du lieu , la destinée des person- nages et la douceur des vers qu'elle a produits. C'est près de la résidence de Coilsfield, à l'endroit oii le petit ruisseau de la Flail rejoint la rivière d'Ayr, qu'on montre l'aubépine près de laquelle les amants se rencon- trèrent. Le cours de l'Ayr, entre des bords raides et verts, est pittoresque jusqu'à son embouchure ; il ne l'est nulle part davantage que dans cet endroit l'ait à souhait et choisi par un poète. L'eau peu profonde coule sur des cailloux, entre la rive basse et sablonneuse oii débouche la Flail, et l'autre rive escarpée, qui disparaît sous un manteau d'églantiers, de chèvre-feuilles et de bruyères, dans les épaisseurs duquel le printemps sème des milliers d'hyacinthes violettes. C'est une retraite charmante et intime. Tout autour ondule un horizon de collines boisées. Si l'on jette sur ce tableau le silence solennel d'un dimanche écossais, si l'on met dans l'àme des deux personnages , le respect , la révérence qu'inspire le jour sacré, on a quelque idée du sentiment qui présida à cette scène et on comprend qu'elle soit pour les Écossais grave et presque religieuse. Cromek raconte que leurs fiançailles, qui étaient en même temps leurs adieux, s'accomplirent « avec ces cérémonies si simples et frappantes que le sentiment rustique a inventées pour prolonger les émotions tendres et les consacrer. » Ils se tinrent debout de chaque côté du ruisseau ; ils se lavèrent les mains dans le courant et, tenant une Bible entre eux, prononcèrent leur vœu d'être fidèles l'un à l'autre^. On a retrouvé la Bible en deux volumes que Burns donna à sa fiancée. Sur le premier volume était écrit le nom de Mary Campbell, suivi de la marque maçonnique du i)oète et de ces paroles du Lévitique : « Votis ne jurerez point faussement par mon nom. Je suis l'Eternel, n Sur le second volume était écrit : « Robert Burns, Mossgiel », également avec la marque maçon- nique, et ces mots de St Matthieu: « Tu ne te parjureras point, mais tu t'acquitteras envers le Seigneur de ce que tu as de'claré par serment^ . » Les heures radieuses s'envolèrent , sur lesquelles flottaient des parfums , faites pour eux de tendresse voilée par la mélancolie des adieux et sanctifiée par une solennelle promesse. Quand l'ouest étincelant proclama la fuite du jour, les amants se séparèrent, pour ne jamais se retrouver. Mais le lieu oii fleurit l'aubépine blanche de Burns est devenu, pour une partie du monde, aussi précieux que celui où poussent sur les talus les petites pervenches bleues de Rousseau.

1 Remarks in an inlerleaved copy of Johnson's muséum.

- Cromek. Reliques of Burns.

^ Les deux volumes se trouvent dans le monument de Burns près d'Avr.

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