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de douceur et d'accommodement dans son caractère, il aurait encore été, je le pense, plus intéressant. Mais il avait été accoutumé à faire la loi dans le cercle de ses connaissances ordinaires, et sa crainte de tout ce qui approchait de la bassesse et de la servilité rendait sa manière d'être un peu décidée et dure. Rien peut-être n'était plus remarquable, parmi ses divers talents, que l'aisance, la précision et l'originalité de son langage, quand il parlait en compagnie. Cela était d'autant plus remarquable qu'il visait à la pureté dans son tour d'expression, et évitait, avec plus de souci que la plupart des Ecossais, les particularités de la phraséologie écossaise'. »

Sa position toutefois restait toujours indécise et comme en suspens. Il ne prenait plus guère part aux travaux de la ferme. Cependant il fit la moisson, qui fut cette année-là tardive. Quelques-uns de ses amis, Gavin Hamilton, Aiken, Ballantine, désolés de laisser partir, pour des climats meurtriers et un avenir incertain, l'homme dont ils étaient fiers et qu'ils aimaient, s'occupèrent de lui trouver une situation qui pût lui permettre de rester en Ecosse et cherchaient à lui ohtenir une place dans l'Excise 2. Lui-même tantôt désirait, tantôt semblait redouter que leurs démarches réussissent. La pensée de ses enfants le retenait ; d'autres considérations assez mystérieuses et qu'on ne peut guère rattacher qu'à l'épisode de Mary Campbell, semblaient le pousser hors du pays. La lettre suivante expose la situation d'esprit dans laquelle il se trouvait alors :

i' J'ai ressenti en moi toutes sortes de fluctuations et de mouvements en ce qui concerne l'Excise. II y a beaucoup de motifs qui plaident fortement contre : l'incerti- tude d'obtenir bientôt une place , les conséquences de mes folies qui peuvent rendre mon séjour ici impraticable. . . Toutes ces raisons m'engagent à aller à l'étranger, et contre toutes ces raisons, je n'ai qu'une réponse : les sentiments dun père. Ceci, dans l'humeur où je me trouve à présent, fait contrepoids à tout ce qui peut être dans l'autre côté de la balance. . .

Vous pouvez peut-être croire que c'est une fantaisie extravagante, mais c'est un sentiment qui m'atteint au cœur. Bien que sceptique sur plusieurs points de la foi ordinaire, je pense cependant avoir toutes les preuves qu'il existe d'une vie par delà les limites étroites de notre existence présente. S'il en est ainsi, comment en présence de cet Etre redoutable, auteur de l'existence, comment a(fronterai-je les reproches des êtres qui sont vis-à-vis de moi dans la chère relation d'enfants, et que j'aurais abandonnés dans l'innocence souriante de leur faible enfance 1 toi, Pouvoir inconnu, toi Dieu tout puissant, qui as allumé la raison dans mon sein et m'as donné le bienfait de l'immortalité, j'ai fréquemment dévié de cet ordre et de cette régularité qui sont nécessaires à la perfection de tes œuvres, cependant tu ne m'as jamais quitté ni délaissé

<( Depuis que j'ai écrit la page précédente, j'ai vu l'orage du malheur s'épaissir au-dessus de ma tête dévouée à la folie. Si vous réussissez, ô mon ami, mon bienfaiteur, dans vos démarches pour moi, peut-être me sera-t-il impossible de recueillir le fruit de vos efforts. Ce que jai écrit dans les pages précédentes est la

1 Dugald Stewart's Letter respecting Burns, donnée par Currie, p. 33.

2 R. Chambers, t. I, p. 313.