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Page:Angellier - Robert Burns, I, 1893.djvu/193

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qui montent de toutes parts. Parfois il arrive que le belvédère de St-Giles dépasse seul ce nuage et le spectacle est saisissant : on dirait une couronne gigantesque tombée dans du sang, et apparue dans le ciel comme le symbole de cette race royale dont la mémoire plane sur cette cité. On ressent alors une profonde émotion historique ; on comprend le respect et l'enthousiasme avec lequel les Écossais contemplent leur ancienne capitale dans sa robe de majestueuse tristesse.

Il est inutile d'insister sur ce fait qu'un homme du xviii® siècle, à plus forte raison Burns, ne pouvait parcourir une ville comme Edimbourg, avec le sentiment pittoresque et précis des événements passés que possède à présent l'esprit de l'humanité. Le mouvement romantique et historique, qui d'ailleurs allait partir d'Edimbourg même, n'était pas encore né ; l'homme de génie qui devait faire revivre, et, comme un grand restaurateur, nettoyer et raviver tous les tableaux d'autrefois, commençait seulement à les contempler et à les aimer. Cependant un certain intérêt s'étaitdéjà éveillé pourleschoses d'Écosse.Il y avait vingt-cinq ans qu'avait éclaté un des grands succès littéraires du xviii® siècle, Y Histoire d^ Ecosse de Robertson. L'œuvre de Hume avait paru et mis en relief les faces écossaises de l'histoire britannique ^ On voit, par les récits de Pennant, de Newte et d'autres, que les stations historiques, que les voyageurs d'au- jourd'hui ne manquent pas de faire, étaient faites également parles voya- geurs d'alors 2. Lorsque le D"" Johnson avait passé par Edimbourg en 1773, Boswell l'avait conduit voir les endroits célèbres de la ville. « Nous sortîmes afin que le D"" Johnson pût voir quelques-unes des choses que nous avons à montrer à Edimbourg » ; et Robertson « harangua le D Johnson sur les lieux qui se rapportent aux scènes de sa célèbre histoire d'Ecosse ». Pour les Écossais proprement dits, une visite d'Edimbourg était alors une occasion de douleur et de regrets. Beaucoup d'entre eux n'avaient pas encore pris leur parti de l'Union, après un siècle. « Je commençai à me laisser aller à mes vieux sentiments écossais, dit Boswell en racontant qu'il conduisit Johnson voir le palais du Parlement , et j'exprimai un ardent regret que, par notre union avec l'Angleterre, nous eussions cessé d'exister, que notre royaume indépendant fût perdu ». Il est vrai que cela lui attira un bon coup de boutoir de Johnson, qu'il accueillit avec recon- naissance et qu'il enregistra avec vénération 3. On ramènera probablement

1 L'histoire de Kobertson est de n.ôQ, une secoade édition avec additions et correclions allait paraître ea 1187 ; celle de Hume parut pendant les années 1754, 56, 59 et 61.

2 Pennant. Virsl Tour in Scolland. Performed in the yenr 1769. — Tour Through différent paris of England Scolland and Wales. Perforined in 1778, hy Richard Joseph Sulivan. — Tour in England and Scolland perforined in 1785, by Thomas Newte.

y Boswell. Journal of a Tour to Ihe Hébrides, Monday August 16.