Page:Angellier - Robert Burns, I, 1893.djvu/279

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avant l'époque du voyage de Burns, en a laissé une amusante description: « Entrons de nouveau en Ecosse par un petit pont sur la Sark, et peu après nous nous arrêtons au petit village de Gretna, si bien connu des aventuriers matrimoniaux. Ici le jeune couple peut être instantanément uni, par un pêcheur , un menuisier , un forgeron, qui accomplissent la cérémonie pour une rémunération qui va de deux guinées à un verre de whisky ; mais le prix est généralement fixé d'après les renseignements donnés par les postillons de Carlisle, qui sont payés par l'un ou l'autre des dignitaires sus-mentionnés. Si la poursuite des parents est trop ardente, on conseille au couple effarouché de se glisser dans un lit et, dans cette situation, on les montre aux poursuivants, qui n'insistent plus... L'endroit se distingue de loin par un groupe de sapins , le bosquet de Cythère du lieu. J'eus la curiosité de voir le grand-prêtre qui m'apparut sous la forme d'un pêcheur, en surtout bleu, avec une grosse chique de tabac dans la bouche. L'un d'entre nous feignit d'être venu pour reconnaître la place, et lui demanda son prix ; après nous avoir considérés attentivement, il le laissa à notre générosité* ». Quelle fin c'eût été pour le pèlerinage poétique ! Ce sont là des enfantillages sans portée et sans gravité. Ils n'ont d'intérêt qu'autant qu'ils marquent l'absence de préoccu- pations sérieuses, et dignes de ce voyage que d'autres poètes devaient faire avec tant de gravité , de vénération et de profit. A coup siîr , la relation de ces plates aventures occupe matériellement plus de place dans le journal de Burns que les notes sur les sites ou les poèmes. Sans entrer daos des détails Lockhart dit : « Le D"" Currie a publié quelques extraits du Journal tenu par Burns pendant cette excursion, mais ils sont pour la plupart très triviaux 2. »

Il convient de dire que ce tour fut fait dans de détestables condi- tions. Ce fut un triomphe, mais une espèce de triomphe provincial. L'ivresse en était bruyante et épaisse. Burns avait débuté par les gens qui l'admiraient pour ses œuvres, et dont l'admiration contenait cette part de critique exacte qui en fait le titre ; il était maintenant au milieu de gens qui l'admiraient sur sa réputation et le flattaient sans discernement. Quand on passe de ceux qui font la renommée à ceux qui l'acclament, on peut être plus étourdi mais on goûte un plaisir moins délicat. Il avait touché à Edimbourg le plus précieux de sa gloire, en quelques pièces d'or sans alliage et en une quantité de fines pièces d'argent ; ce qu'il en recevait maintenant n'en était que l'appoint en monnaie de billon. Hormis quelques hommes distingués, comme Brydone, le voyageur, dont la femme, très accomplie, était la fille du D"^ Robertson^, ou encore le

1 Pennant. Second Tour in Scolland, Performed in Ihe Year. 1772.

2 Lockhart. Life of Burns ^ p. 146.

3 Monday ^tll, May.