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de prise de corps, désigné sous le titre de in meditatione fziga'^. Une semaine après son arrivée, on le voit acculé dans cette impasse, livré à lui-même dans cette solitude, découragé, désorienté, désemparé et réduit à s'abrutir en buvant.

Cher Monsieur — me voici — c'est tout ce que je puis vous dire d'un être inexpli- cable comme moi. Ce que je fais, aucun mortel ne peut le dire ; ce que je pense en ce moment, moi-même je ne saurais le dire ; ce que je dis d'habitude ne vaut pas la peine d'être répété. L'horloge sonne justement : un, deux, trois, quatre. . . douze avant midi, et me voici assis ici, dans l'attique alias galetas, avec un ami à la droite de mou encrier — un ami dont je vais mettre la bonté à l'épreuve, à la fin de cette ligne — là ! — merci ! — un ami, mon cher W Laurie, dont la bonté me fait souvent rougir ; un ami qui a plus du lait de la tendresse humaine que toute la race humaine mise ensemble et, ce qui est hautement en son honneur, qui est particulièrenient l'ami des malheureux dénués d'amis, aussi souvent qu'ils se trouvent sur son chemin ; en un mot, Monsieur, il est, sans alliage, un philanthrope universel et son nom bien-aimé est — une bouteille de bon vieux porto 2.

Ce galetas, avec cette bouteille de porto sur la table et ce pauvre poète accablé, ricanant et buvant, est une chose navrante. Ce bout de lettre est tout un tableau cruel qu'on dirait fait pour fournir un sujet à Hogarth. H se tira d'affaire cette fois, probablement en donnant caution ou en versant une somme d'argent. On a retrouvé le papier qui le libérait de ce mandat ainsi racheté ; il est daté du lendemain de la lettre précédente. Burns le porta longtemps sur lui à en juger par l'usure ; il y avait écrit au crayon deux vers obscènes, refrain d'une vieille chanson ^ . C'était, avec des détails plus communs, la même aventure que celle qui avait failli l'envoyer en prison un an auparavant. Ce n'était pas la seule qui pût l'inquiéter à Edimbourg, car il avoua plus tard avoir connu « dans la Cowgate une garce des Hautes-Terres qui lui a donné trois bâtards d'un coup^. » Malheureusement pour lui ce n'était pas le dernier de ces épisodes.

VOYAGE DANS LES HfGHLANDS , IMPRESSIONS HISTOKIQUES ET PATRIOTIQUES.

Aussitôt dégagé de ces embarras , il entreprit un voyage dans les Hautes-Terres. Dans l'état d'esprit où il était, tout valait mieux que de demeurer à Edimbourg, en face de lui-même. H était à ce stade de prostration, d'abandon et d'indifférence de soi-même, où une secousse est nécessaire.

\\ devait partir en compagnie d'un de ses amis de l'hiver précédent, William Nicol, maître de latin à la High School d'Edimbourg, l'école où

1 R. Ghambers, t. II, p. 105.

2 To Archibald Laurie, \A\^ Augusl nST.

3 Scott Douglas, tom IV, p. 261.

  • To George Thomson. Lettre xxv.