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D'après le ton même de ces pièces, on voit que Burns reflétait avec justesse le sentiment écossais, que ce fût le haut enthousiasme d'une grande action nationale comme à Bannockburn ou le défi railleur et goguenard de rencontres moins décisives.

Il n'est pas surprenant qu'en arrivant sur le champ de bataille de Gulloden, il ait éprouvé une émotion très poignante. C'est pour les voyageurs les plus indifférents une promenade attristante que de tra- verser cette lande marécageuse, plate et sombre. Sauf une petite colline noirâtre , couronnée de sapins funèbres qui lui donnent un air de cime- tière, la monotone étendue brune des bruyères s'allonge de toutes parts, a peine tachetée de quelques plaques vertes, aux endroits où les morts furent enterrés '. Pour un Ecossais qui sait les détails et les conséquences de la bataille, cette tristesse du lieu s'accroît et se précise de souvenirs et de regrets. Que de fautes commises, dont une seule évitée eût pu changer la face et la suite des choses ! Cette vaste plaine, unie comme un champ de manœuvres pour l'artillerie et la cavalerie, était le pire terrain qu'on pût choisir pour les malheureux highlanders. « Il est impossible, dit Hill Burton, de regarder ce désert, sans un sentiment de compassion, pour l'impuissance d'une armée de highlanders en un pareil endroit 2.» Au dernier moment, lord George Murray avait proposé de se retirer derrière la petite rivière de la Nairn et d'y attendre des renforts. Si on l'avait écouté, rien peut-être n'était perdu. Et si du moins ces malheureux avaient combattu dans des conditions ordinaires, mais non ! Toute la nuit on les a surmenés, dans une marche pour surprendre le camp ennemi. Ils sont arrivés en vue des tentes, quand l'aurore paraissait et que les tambours battaient le réveil 3. Le coup est manqué ; il faut regagner les positions. Au moment où l'ennemi arrive, ils sont tellement harassés de fatigue, minés par la faim, exténués de sommeil et d'épuisement, qu'on est obligé de les secouer pour les réveil- ler*. Quand ils sont rangés en bataille, les boulets ennemis « font des sentiers » dans leurs rangs ; ils sont sans cavalerie, et ont quelques canons dont les artilleurs sont absents. Ils demandent avec rage la permission de courir en avant ; des ordres tardifs et mal donnés les lancent par fragments, une aile avant l'autre ; des tiraillements d'amour- propre entre les clans brisent l'unité et l'impétuosité de l'élan. Les highlanders se jettent en désordre dans la fusillade, sur les baïonnettes des Anglais, et tombent par tas ^. La déroute est rapide et irrémédiable ;

1 Voir lo Guide lo Culloden Moor, hy Peler Aûderson of Inverness, avec le plnn.

2 Hill Burton, History of Scollland, tome viii, p. 488.

3 Hill Burton, Id. .

4 Walter Scott, Taies of a grand Falher, chap. lxxxiii.

3 II y a une très complète description de la bataille dans le Guide de Peter Anderson ; voir aussi le récit de Walter Scott, chap. lxxxiii et les pages d'Amédée Pichot dans son Histoire de Charles-Edouard ^ chap. xxxi et xxxu.