Page:Angellier - Robert Burns, I, 1893.djvu/318

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Encore une fois, toutes ces pièces n'éclatèrent pas sur les lieux mêmes ; mais les impressions d'oîi elles naquirent, y furent ressenties. Elles tom- bèrent alors dans l'âme du poète, puis, comme si le temps n'existait pas dans certaines profondeurs intellectuelles, frémirent un jour aussi vives, et trouvèrent, dans l'esprit du moment, des paroles et un rhytme. Des heures comme celles qu'il passa sur les pentes de Bannockburn et, à un moindre degré, sur la bruyère de Culloden, peuvent prendre place avec l'après-midi oii il écrasa le nid de souris. En ces instants-là, dans l'âme ouverte par l'influence des souvenirs, de la nature, ou de la compassion humaine, une main divine jette des germes inaperçus qui seront un jour la richesse d'une vie et les fleurs d'un génie. Il avait raison de dire : « Mon voyage à travers les Hautes-Terres m'a véritable- ment inspiré et j'espère avoir amassé une bonne provision d'idées poé- tiques nouvelles ^ ».

Toute cette partie historique du voyage fut pour Burns féconde et bienfaisante. Il vécut hors de lui-même et il en avait besoin. Même la compagnie de Nichol, jacobite enragé, ne lui fut pas ici mauvaise ; elle entretint en lui un loyalisme un peu factice, et s'il eut à s'en repentir plus tard, il n'importe. Il fut remué par des émotions, dont quelques- unes étaient nobles et ajoutèrent leur noblesse à son âme.

Si les impressions de nature avaient été aussi abondantes et aussi riches que les impressions historiques, ce voyage eût été fécond do tous points. Il ne paraît pas que cela fût impossible. Par ses formes plus vastes, ses mouvements plus marqués, ses accidents de terrain plus variés et plus dramatiques, la contrée des Hautes-Terres est mieux faite pour frapper le voyageur qui la traverse que les régions moyennes des Borders. Elle peut plutôt prendre par surprise et transporter du premier coup. Et justement la route que suivait Burns est une de celles oii se manifestent le mieux les caractères différents du pays.

Il suffit d'aller de Crieff à Kenmore, par l'hôtellerie d'Amulrie , en traversant l'admirable glen Almond et en remontant la rude Glen Quoich par le lac Frenchie, pour avoir une des plus parfaites vues de vallées que renferment lesHighlands. « Certainement, dit Geikie, la plus large région du plus sauvage paysage qui soit dans la Grande-Bretagne , est comprise dans les cent milles carrés de montagnes et de ravins désolés compris entre Glen Feshie et Gleen Quoich 2.» On est au bord de ce district , à l'endroit où de la grâce se mêle à la grandeur. On suit la base de montagnes d'un dessin imposant et tranquille, d'une couleur grave, riche et tendre. Elles sont recouvertes, à la saison oîi Burns les

1 To Patrick Miller, 28th Sept. 1181.

2 A. Geikie, Scenery of Scotland, p. 213.