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choisir, dans cet ensemble qu'il était incapable d'embrasser, un détail dans lequel il mettait une anecdote. Son âme n'était pas faite pour la majestueuse ej)opée des montagnes. Si l'on veut voir avec quelles aptitudes diverses des âmes différentes abordent les mêmes objets, on n'a qu'à lire, après le journal de Burns, celui que Keats a écrit pendant un court voyage dans les Hautes-Terres. Ce fut chez lui , du premier coup d'œil , une merveilleuse intelligence de ce que cette contrée a de plus haute poésie.

Il faut dire cependant que ce voyage de Burns fut fait dans les condi- tions les plus défavorables. Ce n'est pas une façon de visiter les Highlands que de les traverser au galop , enfermé , en compagnie de Nicol , dans une chaise de poste, qui ne laisse voir qu'un carré de paysage toujours fuyant. Si Burns avait parcouru le pays à pied ou sur JennyGeddes, s'il avait eu la tête en plein paysage, le regard libre, et ces arrêts faciles qu'on fait en s'appuyant sur son bâton, ou en retenant la bride de son cheval, s'il avait eu de ces journées entières où il semble qu'en marchant on emporte avec soi des horizons, l'inlluence morale d'un paysage, qui souvent commence par une sensation physique d'air frais ou de lumière, serait peut-être entrée en lui. Mais il voyagea dans une boîte avec un butor.

Ce fâcheux compagnon lui fut une entrave de plus d'une manière. La réception de Burns pendant ce tour ne ressemblait en rien à celle qu'il avait eue pendant son tour des Borders. Dans ces pays incultes, on ne rencontrait plus la classe de gros fermiers qui habite les Basses-Terres. Il n'y avait, surtout alors, que des seigneurs et des paysans, des châteaux et de pauvres chaumières ^ Burns fut accueilli comme un personnage célèbre dans toutes ces grandes demeures ; dès qu'il arrivait on l'invitait. Nicol, trop bourru pour se montrer, restait à l'auberge et rageait. A Blair Athole, oii Burns fut reçu parle duc d'Athole, Walker fit prendre patience au malotru en lui donnant des cannes à pêche et en l'envoyant pêcher à la ligne. A la suite de cette visite, on désirait garder le poète un peu plus longtemps , mais Nicol dépité voulut partir absolument. Les dames envoyèrent un domestique à l'auberge pour corrompre le postillon et lui faire enlever un fer à un des chevaux. Ce postillon se trouva incor- ruptible. Il fallut se remettre en route ^. Ce fut peut-être un malheur pour Burns; on attendait comme hôte M. Duudas, dont le patronage était tout puissant et qui était le grand distributeur de faveurs pour l'Ecosse. Cette rencontre aurait pu changer l'avenir de Burns. Cette scène se renouvela plus loin. Il fut invité au château de Gordon par le duc et la

1 Voir, sur l'état des villages des Hautes-Terres, à celte époque et presque à cette année, T/w Collagers of Glenburnie, par Elizabeth Hamiltou.

2 R. Chamb-^^rs, tom II. p. 131, d'après Walker.