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mémoire et le jugement de n'en pas montrer. » M" Mac Lehose avait de la mémoire mais sans ce jugement-là. Elle aimait à faire montre de ses lectures. « Elle améliora son goût par la lecture des meilleurs auteurs anglais. Douée d'une mémoire très rétentive, elle citait souvent à propos ces auteurs, à la fois dans sa conversation et dans sa correspondance *.» Elle se piquait de bien écrire et s'y appliquait. Il y avait bien un peu de pédantisme dans son cas. Elle avait une conversation qu'on regardait comme brillante, et dont la qualité était probablement l'assurance et la facilité de parole, qui souvent suffisent pour une réputation de ce genre. Il ne semble pas, d'après ses lettres, que cette causerie courante et décidée dépassât beaucoup les lieux communs, les réflexions générales. Il se peut qu'elle tombât quelquefois sur des rencontres de mots qui ont plus de succès qu'elles ne valent. Ce devait être l'exception. On ne trouve guère dans sa correspondance aucune de ces saillies, de ces tours imprévus, de ces aperçus personnels, même sur de menus points, qui marquent l'originalité d'un esprit. Ses lettres ont plutôt une tendance au développement noble, un peu déclamatoire et étalé. On y chercherait inutilement ce léger clapotis d'idées, fût-il même un peu brouillon, ces sauts soudains d'un sujet à un autre, l'aisance familière, la grâce abandonnée de certaines correspondances féminines. La sienne a quelque chose d'un peu trop littéraire. C'était, d'ailleurs, le ton de l'époque et de l'endroit. Avec cela elle avait du bon sens, de la pénétration, un coup d'ceil ferme en soi et dans les autres, de la justesse et de la solidité. Elle avait un fonds d'esprit plutôt sérieux, auquel son imagination et sa ferveur intellectuelle, et peut-être aussi une imitation littéraire , donnaient un certain mouve- ment général.

Elle était peut-être plus vive de cœur, lequel demeure plus personnel que l'esprit. Elle était de premier mouvement : « Vous vous trompez beau- coup quand vous énumérez la force d'âme parmi mes qualités. Je n'en ai même pas une part ordinaire ; chaque passion fait de moi ce qu'elle veut et toute ma vie j'ai été guidée par l'impulsion du moment, mobile et faible'.» Elle était portée à se donner tout entière et ardemment à ce qui l'occupait, apportant dans ses préférences une sorte de fougue. « Comme vous-même, je suis un peu enthousiaste. En religion et en amitié je suis tout à fait fanatique — peut-être pourrais-je l'être aussi en amour, n'était que tout ce qui m'est cher dans le ciel et sur terre me l'interdit 3. » Elle était très susceptible , prompte à ressentir très fortement et pour longtemps les intentions bonnes ou mauvaises. « Mes ressentiments sont vifs comme tous mes autres sentiments. Je sens très vivement la bonté

1 Memoir of M" Mac Lehose^ p. 24.

2 To Sylvander, 24 th Jan. 1788.

3 To Sylvander, 28th Dec. n87.