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avait donc bien des affinités entre Burns et M'" Mac Lehose. Il trouvait en elle une femme plus instruite, plus distinguée, plus dame, que celles qu'il avait connues. Il était inévitable qu'elle serait attirée par son génie. Ce fait même qu'elle n'avait pas une très haute distinction la rendait plus accessible. Elle n'avait pas autour d'elle ces délicatesses excessives et factices qu'eût froissées ce qu'il y avait nécessairement de fruste et de rude en lui. Elle touchait directement sa force et son intelligence. Il n'y avait pas même entre eux ce léger grillage de raffinements de manières qui parfois se dresse entre un homme supérieur et une femme très élégante.

Elle s'était enthousiasmée pour le poète et, depuis quelque temps, elle pressaitune de ses amies, vieille fille. Miss Nimmo, liée avec Miss Chalmers, de le lui faire connaître. Vers les premiers jours de décembre, Miss Nimmo cédant à ses sollicitations, l'invita à passer une soirée avec Burns. Elle fut sans doute éblouie et charmée par sa parole. L'entrevue se termina par une invitation à venir prendre le thé chez elle, le jeudi suivant, qui était le 6 décembre. Quelque chose survint qui fit remettre la réunion au samedi. Burns avait alors l'intention de s'éloigner d'Edimbourg, la semaine suivante, comme il résulte de la lettre qu'il écrivit pour accepter le changement de jour :

Madame, j'attachais beaucoup de prix au thé de ce soir, et je n'ai pas été souvent aussi désappointé. Samedi soir, je saisirai l'occasion avec le plus grand plaisir. Je quitte cette ville aujourd'hui en huit, et probablement pour une couple d'années. Je regretterai toujours d'avoir fait si tard la connaissance d'une personne que j'esti- merai toujours hautement et au bonheur de laquelle je m'intéresserai toujours chaudement!.

Si les choses s'étaient passées ainsi, cette rencontre ne se fût pas distinguée de tant d'autres. C'eût été une soirée d'admiration de plus. Ce fut un accident matériel qui, en retenant Burns à Edimbourg plus longtemps qu'il ne le pensait, donna à ces relations le temps de se développer et d'entamer leurs deux vies.

Le lendemain de cette lettre , la veille même du jour attendu, une voiture, dans laquelle il se trouvait, fut renversée par la faute du cocher ivre. Il fut rapporté chez lui, avec un genou fortement contusionné, qui devait le garder à la chambre pendant six semaines. Sans cet accident, il est probable que ses rapports avec Mrs Mac Lehose auraient été coupés court, par son départ prochain. Il lui écrivit, pour s'excuser, une lettre dans laquelle il y a déjà une pointe de ferveur :

» Je puis dire avec vérité , Madame , que je nai jamais rencontré dans ma vie de personne que j'aie plus anxieusement souhaité de revoir que vous. C'est ce soir que

1 To Mrs Mac Lehose, Dec. 6th, 1781.