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moins que je ne trouve que je puis me fiera moi-même, pour agir autrement. C'est la Délicatesse, vous le savez, qui m'a attirée vers vous subitement: prenez garde de relâcher ce lien le plus cher et le plus sacré qui nous unit. Souvenez-vous que le bonheur présent et éternel de Clarinda dépend de sa fidélité étroite à la vertu. Heureux Sylvander ! qui peut rester attaché au ciel et à Clarinda en même temps. Hélas! je sens que je ne puis servir deux maîtres ! Que Dieu ait pitié de moi!

Jeudi soir. Pourquoi n"ai-je pas eu de vos nouvelles, Sylvander? Tout, dans la nature, me parait aujourd'hui porter une teinte sombre. Ah! Sylvander!

Le coeur est ce qui, toujours,

Nous rend heureux ou malheureux !

Avec quelle force ces vers me sont revenus à la pensée ! Ne vous ai-je pas dit quelle misérable l'amour a fait de moi ? Je suis capable d'affection au plus haut point pour un homme du mérite de Sylvander, si elle ne devait pas me mener à des folies et à des faiblesses que mon cœur condamne absolument. Je suis convaincue que, sans l'approbation du ciel et de ma propre conscience, l'existence me serait une lourde malédiction. Sylvander, pourquoi les légèretés trop répétées de votre Clarinda ne vous ont-elles pas guéri de la tendresse trop passionnée que vous exprimez pour elle? Peut-être ont-elles diminué votre estime pour elle? Mais je n'ose pas toucher celte corde ; cela remplirait la coupe de ma misère présente. Sylvander! Puisse l'amitié de Dieu, que vous et moi avons trop négligée, être, à partir d'aujourd'hui, noire principale étude, notre délice! Je ne puis vivre sans la conscience de cette faveur. J'ai ressenti, tout aujourd'hui, quelque chose de cet état épouvantable. Que dis-je? Quand j'ai approché Dieu avec mes lèvres, mon cœur n'y était pas vraiment!

Ne soyez pas fâché, si je vous dis que je désire que notre séparation soit

passée. A distance, nous conserverons la même affection de cœur, le même intérêt dans la vie l'un de l'autre; mais l'absence adoucira et restreindra ces violentes agitations du cœur qui, si elles continuaient longtemps encore, retireraient mon âme de ses gonds et me rendraient impropre aux devoirs de la vie.

Vous et moi, nous sommes capables de cette ardeur d'amour pour laquelle la vaste création n'offre pas d'objet suffisant. Cherchons à la reposer dans le sein de notre Dieu. Donnons ensuite une place à ceux qui sont les plus chers sur la terre, aux tendres affections de parents, de sœurs, d'enfants ! ... Je vous dis : « au revoir », avec cette courte prière de Thomson :

i' Père de Lumière et de vie, toi bien suprême, enseigne-nous ce qui est bon, enseigne-nous ce que tu es toi-même, Sauve-nous de la folie, de la vanité et du vice^. »

A CCS confidences, dont le chagrin et la franchise anraient pu le toucher, Burus répondait par des protestations emportées bien plus que sincères. Elles n'ont pas d'émotion, mais une certaine fureur de promesses qui éblouit plutôt qu'elle ne rassure.

Clarinda, ma vie, vous avez blessé mon âme. Puis-je penser que vous êtes malheu- reuse, même quand votre chagrin n'est pas décrit dans votre pathétique élégance de

1 To Sylvander. Jan. 24tii nss.