Page:Angellier - Robert Burns, I, 1893.djvu/358

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— 347 -

langage, sans être misérable ? Clarinda, puis-je supporter de m'entendre dire par vous que " vous ne voulez pas me voir demain soir — que vous désirez que notre heure de séparation soit venue ? » Ne nous en laissons pas imposer par des mots. Si , dans un moment de chère amitié et de tendre jeu, j'ai peut-être franchi la lettre de la loi du décorum, j'en appelle à vous-même , ai-je jamais péché, au moindre degré, contre l'esprit de ses statuts les plus stricts? Mais pourquoi, mon amour, me parler en termes si durs , dont chaque mot me perce jusqu'au fond de l'âme? Vous savez qu'une allusion, la plus légère expression de vos souhaits, est pour moi un commandement sacré.

Réconciliez-vous, mon ange, avec votre Dieu, avec vous-même et avec moi, et j'engage l'honneur de Sylvander — serment, j'ose le dire, auquel vous vous fierez sans réserve ~ que vous n'aurez jamais plus raison de vous plaindre de sa conduite. Maintenant, mon amour, ne blessez pas notre prochaine entrevue par des regards détournés ou des caresses restreintes. J'ai marqué la ligne de conduite — une ligne, je le sais, exactement à votre goût — et je l'observerai inviolablement. Mais ne montrez pas la moindre inclination à fixer des bornes. Une méfiance apparente là où vous savez que vous pouvez avoir confiance est un cruel péché contre la sensibilité. . .

Amour et Sensibilité , vous avez conspiré contre ma Paix ! J'aime jusqu'à la folie et je ressens jusqu'à la torture ! Clarinda, comment puis-je me pardonner d'avoir touché de chagrin une seule corde de votre cœur ! Ai-je pu le faire volontairement ? Aucune considération, aucun bonheur pourraient-ils me le faire faire? Oh, si vous aimiez comme moi, vous ne voudriez pas, vous ne pourriez pas refuser ou reculer une rencontre avec l'homme qui vous adore — qui mourrait mille morts avant de vous porter tort ; et qui doit bientôt vous dire un long adieu !

Que j'aie de vos nouvelles, cette après-midi, au nom de la Pitié ! Car jusqu'à ce que j'en aie, je serai misérable. Clarinda, le lien qui me lie à toi est tissé, ne fait qu'un avec les plus chers fils de ma vie i.

Tout ce fracas de serments est bien extérieur et bien vide. Ce sont des banalités fouettées d'exclamations. Ce qu'il y a de plus sincère là dedans, ce qui y tremble, c'est un des mauvais éléments de Burns ; ce n'est pas autre chose que son ombrageuse susceptibilité , sa jalousie folle de tout ce qui ressemble à un reproche, à un blâme ou à une précaution vis-à- vis de lui. Ce qu'il éprouve est bien plus près de la colère que de la compassion. On dirait que la méfiance de la pauvre femme, qui s'adresse à elle-même autant qu'à lui et contient un aveu autant qu'une défense, est une insulte. Ce qu'il appelait sa dignité, dont il faisait un peu parade et qui était vraiment du courage et de la force en certaines circonstances , était, par moments, puéril et déplacé. Dans cette correspondance, oîi il y aurait eu si souvent lieu à de la bonté, à des paroles cordiales, c'est elle seule qui donne à ses lettres un peu de sincérité. Il s'en trouve plusieurs parmi elles dont on voit qu'elles ont pu jeter du trouble dans l'esprit de Clarinda, pas une qui ait pu lui amener de l'adoucissement. Qu'on relise avec soin celle qui vient d'être citée, on n'y découvrira pas un mot de réconfort ; il n'y a qu'une revendication égoïste pour lui-même , âpre , impérieuse et presque courroucée.

1 To Clarinda. Jan. 25tli HSS.