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des amis qui se mélange à l'effort et l'aiguillonne, mais l'admiration des salons qui le suit, le gêne et l'entrave. Il en emportait le mécontentement de sa destinée, une colère sourde contre les répartitions de la fortune et du rang , de la rancune contre ces classes élégantes oii il était resté dépaysé. Par eu bas , elle lui avait communiqué des habitudes de taverne , de boissonnements quotidiens et de bamboches nocturnes qui l'avaient fatigué. Chose plus grave ! elle lui avait fait perdre l'habitude du travail, elle l'avait immobilisé dans un désœuvrement physique et intellectuel qui avait amolli son corps et son esprit. Il le savait bien. « J'ai pris un si vicieux pli de paresse , qu'il faudra un effort peu ordi- naire pour amener convenablement mon esprit à la routine des affaires ^.» Et ailleurs « comme jusqu'à ces dix-huit derniers mois, ma richesse n'a jamais été jusqu'à posséder dix guinées, j'ai à apprendre la connaissance des affaires ; ajoutez à cela que mes scènes récentes de paresse et de dissipation ont énervé mon esprit à un degré alarmant ^ ». Il sentait bien le mal que lui avait fait Edimbourg. Il partait de là, avec quelques centaines de livres dans sa poche, un peu moins pauvre que lorsqu'il était arrivé, mais aussi indécis, aussi incertain de l'avenir et moins propre à l'aborder. Il s'éloignait le cœur alourdi de lassitude, de soucis. Il était entré dans cette ville avec la confiance, il en sortait avec la défiance de la vie. Oii était-il le refrain de la vieille chanson ?
En passant près de Glenap, Je vis une vieille femme ; Elle me dit : « Prends courage, Tes meilleurs jours vont venir. »
Hélas ! peut-être étaient-ils passés ! ceux qu'il apercevait devant lui étaient indécis et obscurs. A tout prendre, il aurait mieux valu continuer à Mossgiel cette vie où le travail était aux prises avec la pauvreté, mais oii éclataient des moments d'allégresse intérieure et qu'illuminaient les visites de la Vision. C'était là peut-être qu'étaient les meilleurs jours.
De graves difficultés l'attendaient, tellement graves qu'elles allaient brusquement changer le cours de sa vie. Quand il rentra à Mauchline, il trouva Jane Armour dans le déchirement de sa maternité, dans le deuil de ces deux petites vies tombées mortes d'elle, dans le désespoir de l'abandon des siens, dans l'isolement et le scandale de sa faute. Et c'était là son ouvrage, l'ouvrage de quelques mauvaises heures de désir ou de revanche ! Qu'allait-il faire maintenant? Abandonnerait-il cette tille qu'il
1 To Richard Brown, 1^^ March 1788.
2 To William Dunbar, l^i^ April HSS.