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Page:Angellier - Robert Burns, I, 1893.djvu/409

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Ainsi, à mesure que les tas de gerbes lui laissaient mieux voir ce que chaque champ rendait, ses appréhensions devenaient plus vives. Lorsqu'après la dernière javelle, les moissonneurs, rassemblés sur l'émineuce la plus proche , proclamèrent par trois hourrahs que la moisson était terminée, et jetèrent leurs faucilles en l'air, il ne lui restait plus guère d'illusion. Pauvre Burns ! Il dut porter un cœur soucieux à la fête de la rentrée des grains, au Kirn jovial, et bruyant de ses propres chansons. C'est qu'il se rappelait les visites de l'intendant, les terreurs de la prison et les angoisses qui remplissaient jadis la maison. Ces scènes sombres, qui avaient bouleversé son esprit d'enfant et l'avaient laissé plein d'épouvantes, voici qu'il en entrevoyait do semblables pour lui-même ! Elles lui inspiraient d'autant plus de terreur que, désormais, elles ne le menaçaient plus seul.

« Jles soucis croissants dans celle contrée qui m'est encore étrangère, des conjec- tures sombres dans la noire perspective de l'avenir, la conscience de mon inaptitude au combat du monde, la cible plus large que je présente au malheur avec une femme et des enfants... je pourrais m'abandonner à ces réflexions, jusqu'à ce que mou humeur fermente, et se tourne en un chagrin acide qui corroderait le fil même de la vie *. »

Heureusement, la moisson une fois terminée et rentrée, Jane Armour vint enfin le rejoindre vers le commencement de Décembre. Elle lui apj)orta un peu d'affection et de bien-être, dont il avait grand besoin. La ferme n'était pas encore aménagée pour les recevoir. Ils se logèrent, en attendant, dans un bâtiment situé au pied d'une vieille tour démantelée, sur un terrain entouré d'un côté par la Nith, de l'autre par une tranchée, et que, pour cette raison, on appelait l'Ile 2. Il accueillit la venue de sa femme par une petite chanson alerte, un peu effrontée , mais pleine de crànerie et de belle humeur et qui fait plaisir après tant de confidences découragées.

J'ai une femme pour moi seul,

Je ne partagerai avec personne ;

Personne ne me fera cocu.

Je ne ferai cocu personne.

J'ai un penny à dépenser.

Là — qui ne doit rien à personne I

Je n'ai rien à prêter.

Je n'emprunterai à personne.

Je serai gai et libre,

Je ne serai triste pour personne ;

Personne n'a souci de moi,

Je n'ai souci de personne 3.

1 ro M" Dun/op, 16 th Aug. 1788.

2 R. Chambers, tom. II, p. 301 ; — Scott Douglas, tom. V, p. m-'78

3 / hae a Wife o'my ain.