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calme que la mince flamme bleue ne tremblait pas sur le feu , il voyait aussi « le cher bébé » « errer comme une brise » près des lacs , sur les grèves sablonneuses et sous les rocs d'antiques montagnes.

Ainsi tu verras et entendras Les formes belles et les sons intelligibles de cet éternel langage qiie ton Dieu Profère, qui, depuis foule éternité, enseigne Lui-même en tout, et toutes choses en lui-même i.

C'est la poésie et le roman des pères.

A côté de ces fiertés on voit passer les tortures dont les maladies des enfants font trembler l'âme des parents.

« J'attends chaque jour le docteur qui doit inoculer la petite vérole à votre petit filleul. Elle règne beaucoup cette année et je tremble pour sa vie...^

Le pauvre petit Frank est maintenant au plus fort de la petite vérole. Je l'ai fait inoculer et jespère qu'elle est en bonne voie 3. »

Il connaissait les angoisses dont, même dans des circonstances favo- rables, un esprit réfléchi doit souffrir, lorsqu'il prévoit les épreuves réser- vées à ces chers êtres ignorants. Quel père n'a pas essayé de pénétrer les temps qui arrivent, et même de démêler les événements historiques, les guerres, les fluctuations sociales qui se préparent, le front penché sur un berceau? Lequel, faisant retour sur lui-même, n'a redouté les périls, les embûches, les chocs, dont il lui semble que seule sa bonne étoile l'a sauvé? Ces pensées-là sont la rançon des joies paternelles.

De petits enfants qui attendent de vous une protection paternelle sont une lourde charge. J'ai déjà deux beaux gaillards, bien venants et forts ; je voudrais les metti'e en bonne lumière. J'ai mille rêveries et mille plans à propos d'eux et de leur destinée future. Ce n'est pas que je sois un utopiste dans mes projets en ces matières ; je suis résolu à ne jamais destiner un de mes fils aux professions libérales. Je connais la valeur de l'indépendance ; puisque je ne puis donner à mes fils une fortune indépen- dante, je leur donnerai sûrement une ligne de vie indépendante. Quel chaos de tumulte, de hasard et de vicissitudes est ce monde, lorsqu'on se met à y réfléchir sérieusement ! Pour un père qui connaît lui-même le monde, la pensée des fils qu'il aura à y laisser doit le remplir de crainte; mais s'il a des filles, cette perspective, dans ces moments pensifs, est capable de le frappei" d'épouvante^.

Ces angoisses étaient pour lui plus vives que pour la plupart. Sa vie et celle des siens l'avaient rendu défiant ; l'avenir était un sol maigre et désolé. Il y avait, entre ses chétives ressources et les ambitions que sa richesse cérébrale devait naturellement lui inspirer pour ses fils, une telle

1 Frost at Midnight.

~ To Mrs Dunlop. 25th Jan. 1790.

3 To William Burns. lOtii Feb. 1790.

4 To William Dunbar. W^ Jan. 1790.