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En même temps, il écrivit à son vieil ami Miirdoch, qui était établi à Londres, pour lui recommander son frère. Le pauvre Williams commença dans la grande ville l'existence d'un ouvrier qui cherche de la besogne et obtient, tantôt ici, tantôt là, quelques jours d'occupation. On le voit errant d'atelier en atelier. Il le raconte à son frère sur le ton doux et résigné qui lui est propre.

J'ai trouvé du travail le vendredi après mon arrivée dans la ville ; je n'y ai travaillé que huit jours, leur entreprise étant terminée. J'ai retrouvé du travail dans une boutique du Strand, le lendemain du jour où j'ai quitté mon premier maître. Ce n'est qu'une place temporaire, mais j'espère élre bientôt fixé dans une boutique à mon gré, bien que ce soit une affaire plus difficile que je ne rima;;inais, car il y a de tels essaims de nouveaux ouvriers arrivés récemment de la campagne que la ville en est remplie, et que, je le crains, à moins d'être particulièrement un bon ouvrier, (ce que vous savez je ne suis pas et ne serai jamais), il est dur de trouver une place. Cependant je ne désespère pas de redresser ma dérive et de pincer le vent.

L'encouragement ici n'est pas ce que j'attendais, les gages étant fort bas en propor- tion des dépenses de la vie. Cependant, si je mets de côté l'argent que les autres dépensent en dissipation et en débauche , j'espère bientôt vous renvoyer celui que je vous ai emprunté et vivre en outre confortablement ^

Le brave garçon ne devait pas lutter longtemps.il fut pris, quatre mois après sou arrivée à Londres, d'une fièvre maligne et, seul dans l'immense foule, pensant peut-être à la ferme d'Ayrshire, mourut le 24 juillet 1790, sans que Murdoch fût prévenu ^. Robert prit pour lui les frais des funé- railles. Il avait dignement remplacé le vieux père.

D'autres sentiments de noble race circulaient constamment dans sa vie : l'amitié, la reconnaissance. Un de ses premiers protecteurs à Edim- bourg avait été le comte de Glencairn. C'est de tous les hommes celui qu'il parait avoir le plus vénéré. II l'admirait sans réserve, et il fallait qu'un caractère fût vraiment d'or fin pour résister à la pierre de touche de sa perspicacité. « Mon attachement reconnaissant était en vérité si fort qu'il renqjlissait toute mon âme et était tressé avec le fil de mon existence. 3 » Le comte mourut à la fin de janvier 1791 , dans sa 42*^ année, au retour d'un séjour d'hiver à Lisbonne. Ce fut pour Burnsune douleur immense, il prit le deuil ^. Il écrivit à la mémoire de son protecteur une élégie qu'il envoya à un des amis de Glencairn avec les vers suivants :

Je t'adresse celte offrande votive ,

Le tribut de larmes d'un cœur brisé ,

Tu estimais l'ami; moi, j'aimais le bienfaiteur;

1 William Burns to Robert Burns, 2lst March 1790.

2 Voir la lettre de Murdoch à Robert Burns, datée du 14tli Sep. 1790.

3 To Dr Moore, 21tli Feb. 1791.

4 To Alex. Dalziel, March 19, n91,et To lady Elixabelh Cunningham, March 1791.