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Cette lettre à elle seule eût fait l'ornement du volume. Mais Burns offrait bien plus ; il présentait à pleines mains tout ce qu'il possédait, et là dedans est son Tam de Shanier qu'il venait d'achever. C'était tous ses trésors ; il les donnait sans une pensée pour lui-même. Nous comprenons la phrase qui termine cette lettre ; nou« savons quel aveu elle contient et à quelle faute il est probable qu'elle s'adressait. Elle est ici à sa vraie place, à côté de ce qui la rectifie. Les sentiments où elle est enclavée rétablissent l'équilibre ; l'occasion même qui la fit écrire montre combien de qualités se mêlaient aux faiblesses de l'écrivain.

Pour tous ceux qui avaient recours à lui, il était prodigue de son temps, de ses démarches, toujours prêt à écrire, à mettre sa puissante rhétorique au service d'un pauvre diable dans l'embarras. La moindre injustice dont il voyait souffrir quelqu'un autour de lui le révoltait, le mettait en état d'éloquence. Un maître d'école de ses connaissances, de Moffat, nommé Clarke, avait eu des démêlés avec ses supérieurs. On lui faisait, semble-t-il, des reproches injustes. Aussitôt Burns rédige pour lui un plaidoyer habile et digne, adressé au lord prévost d'Edimbourg. Il écrit à un personnage influent pour le prier d'intervenir, en faveur de son protégé, auprès des magistrats et du conseil municipal de la cité, qui avaient en mains le patronage de l'école de Moffat. Sa recommandation est ardente.

Il est vrai, Monsieur, et je sens la force de cette observation, qu'un liomnie dans ma situation humble et chétive se méprend beaucoup sur lui-même et se méprend beaucoup sur les voies du monde, lorsqu'il a la présomption d'offrir son influence auprès d'un corps aussi hautement respectable que les patrons que j'ai mentionnés. A cela... que pouvais-je faire? Un homme de capacités, un homme de talent, un liomme de vertu et mon ami... plutôt que de me tenir tranquille et silencieux et de le voir périr ainsi, je serais allé sur mes genoux vers les rochers et les montagnes pour les implorer de tomber sur ses persécuteurs et de les écraser, eux et leur méchanceté, dans une destruction méritée. Croyez-moi, Monsieur, c'est un homme envers qui on est grandement injuste 1.

Son désir d'être utile ne se confinait pas à ses relations particulières. Il avait une bonne volonté plus générale. Elle s'était traduite par une entreprise bien curieuse pour cette époque. Avec un propriétaire voisin, le capitaine Biddell, l'héritier du sifflet, il avait créé, en pleine campagne et il y a cent ans, ce qui commence seulement à fonctionner chez nous : une bibliothèque populaire circulante ^. Il s'y était donné tout entier et il en était la cheville ouvrière. « M"" Burns a été assez bon pour prendre sur lui toute la charge de cette petite affaire. Il était le trésorier, le bibliothécaire et le censeur de cette petite société qui conservera

1 To the Rev. William Moodic, vers Juin 1791.

2 To Peter Hill, 2nd April 1789.