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longtemps le souvenir reconnaissant de son dévoûment public et de ses efforts pour ses progrès et son instruction*. » Lorsque sir John Sinclair entreprit son grand travail du Statistical Account of Scotland, Burns lui-même lui envoya un compte rendu de cette louable tenta- tive. Il en ressort nettement que l'idée de la bibliothèque était inconnue et qu'il s'agissait bien d'une innovation. C'est d'ailleurs une belle lettre, claire, pratique, et par endroits éloquente. La haute intelligence de Burns avait anticipé un des moyens les plus actifs de l'éducation populaire; il en expose les avantages, sans déclamation, dans des termes dont la modération et la justesse ne sont pas moins remarquables que la hauteur. Sûrement, on ne dit pas mieux aujourd'hui sur ce sujet.

Mousieur, la circonstance suivante a, je crois, été omise dans l'exposé statistique qui vous a été transmis de la paroisse de Dunscore en NiUisdale. Je vous demande la permission de vous l'envoyer, parce qu'elle est nouvelle et parce qu'elle peut être utile. Jusqu'à quel poiot elle mérite une place dans votre patriotique publication, vous en êtes le meilleur juge.

Garnir les esprits des classes inférieures de connaissances utiles est certainement d'une très grande imporlaoce, à la fois pour les individus qui les constituent et pour la société enlière. Leur donner un goût pour la lecture et la réflexion, c'est leur donner une source d'amusement innocent et louat)le ; et c'est en outre les élever à un degré de dignilé plus haut dans l'échelle des êtres raisonnables. Frappé de cette idée, un gentleman de cette paroisse, Robert Riddell Esq. de Glenriddell, a établi une sorte de bibliollièque circulante, sur un plan si simple qu'il est pratiquable dans n'importe quel coin du pays, et si utile qu'il mérite Fintérêt de tout gentleman de campagne qui pense que l'amélioration de cette portion de son espèce, que le hasard a placée à l'humble rang de paysan et d'artisan, est un objet digne d'attention.

M' Riddell persuada à un certain nombre de ses propres tenanciers et de fermiers voisins de former entre eux une société, dans le but d'avoir une bibliothèque commune. Ils prirent un engagement légal d'y rester pendant trois années, avec une ou deux clauses de résiliation, en cas d'éloignement ou de mort. Chaque membre, à son entrée, payait cinq shellings; et à chacune des réunions, qui avaient lieu le quatrième samedi de chaque mois, on ajoutait une somme de six pence. Avec cette première mise de fonds et le crédit qu'ils obtinrent, sous la garantie de leurs fonds futurs, ils établirent dès le début une provision fort passable de livres. Les auteurs qu'on devait acheter étaient toujours décidés par la majorité. A chaque réunion, tous les livres, sous peine d'amende ou de déchéance, en guise de sanction, devaient être produits. Les membres avaient choix des volumes selon un roulement : celui dont le nom était le premier sur la liste, pour ce soir-là, pouvait choisir le volume qu'il voulait dans toute la collection ; le second choisissait après le premier ; le troisième après le second et ainsi de suite, jusqu'au dernier. A la réunion suivante, celui dont le nom avait été le premier sur la liste à la séance précédente, était le dernier ; celui qui avait été le second était le premier, et aiosi successivement pendant les trois années. A l'expiration de l'engagement, les livres furent vendus aux enchères, mais seulement entre les membres de la société, et chacun d'eux eut sa part du fonds commun, en argent ou en livres, selon qu'il lui plut d'être acheteur ou non.

1 Lettre de Robert Riddell à sir John Sinclair, publiée dans le Statistical Account of Scotland.