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Mais surtout sa production poétique demeure légère et vive. Il y avait en lui une alouette qui chantait bien au-dessus des sillons, des soucis et des souillures. Cependant sa direction poétique, pendant un instant, courut des dangers, et, sur quelques points, subit des modifications dont il convient de signaler les causes et la portée.

Edimbourg faillit avoir sur lui une aussi pernicieuse influence au point de vue littéraire qu'au point de vue moral. Ce long contact avec des esprits abstraits et généralisateurs, avec des œuvres distinguées mais presque toutes froides et correctes, purs efforts d'intelligence dépouillée d'imagination et de passion, semble lui avoir fait concevoir un idéal littéraire situé à l'opposé de celui quimpliquaient ses premières pro- ductions. Lui qui était si original, si concret, et qui n'avait eu d'autre maître que l'observation directe et la nature, il fut gagné et comme inti- midé, par le bel appareil régulier et classique en faveur dans cette société de professeurs et de théologiens. Il se sentait porté vers l'imitation de ces ordonnances méthodiques.

D'autre part, il était éloigné de sa première manière par des considé- rations un peu futiles. Son éblouissant succès avait fait naître une quan- tité d'imitations inférieures. Il n'était rimeur de bourgade ou de village qui ne se mît en tête qu'il était un Burns. Ce fut probablement pour beau- coup d'eux leur ])lus bel effort d'imagination. De toutes parts, des listes de souscription circulaient annonçant des j)oèmes en dialecte écossais : il s'était imaginé que ce nom était en discrédit auprès du public.

Mon succès a encourage un tel baoc de mauvais fretin, de monstres, à se produire devant l'attention publique sous le litre de poètes écossais, que le seul terme de poésie écossaise touche au ridicule i.

Il en était tellement convaincu qu'il conseillait aux amis d'un pauvre poète écossais nommé Mylne, qui avaient entrepris de publier ses œuvres, d'éviter de donner des poèmes en dialecte écossais.

Mon succès, où il entrai! peut-être autant d'accident que de mérite, a amené une inondation de sottise sous le nom de Poésie écossaise. Les listes de souscription pour des poèmes écossais ont tellement assommé et ne cessent journellement de tant assommer le public, que le nom est en danger de mépris. Pour ces raisons, s'il est opportun de publier quelques-uns des poèmes de M. Mylne dans un magazine, ce ne doit pas, dans mon opinion, être un poème écossais^.

II répudiait presque ce qui l'avait fait célèbre. Il y a là sans doute une explication partielle de son éloignement momentané de la poésie de son premier volume. Il oubliait qu'un artiste crée souvent le goût public,

1 To Mrs Dunlop, 4tli March 1789.

2 To ihc Rcv. Peter Carfrae, March 6tii 1790.