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et que c'était lui-même qui avait enfanté cette passion pour la poésie écossaise dont il trouvait qu'on abusait maintenant.

C'était en lui une autre idée fausse, provenant des mêmes parages, que s'il donnait des œuvres analogues à ses premières, elles seraient moins bien reçues.

Je sais bien que, lors même que je donnerais au monde des œuvres supérieures à mes premiers ouvrages, si elles étaient du même genre que ceux-là, la comparaison des deux accueils me mortifierait i.

Il était certain qu'un nouveau volume de poèmes par Burns ne produi- rait plus, ne pouvait plus produire le coup d'étonnement du premier, et que l'acclamation, qui avait salué la publication de Kilmarnock, ne se renouvellerait pas. C'était cependant là, il faut le dire, une préoccupation infime, indigne du poète. Il ne s'occupait pas de la réception que le public ferait à ses vers, le jour où il écrivait ses strophes h la Souris, ou la Sainte Foire, ou la Vision. Il écrivait pour lui-même, par besoin d'expri- mer un sentiment; ces jours-là il avait vécu, si on peut le dire, des heures d'admirable égoïsme. Ce souci du public est un des dangers du succès. Ce qu'on risque de perdre gêne la production.

Enfin, il était impossible que les changements moraux et intellectuels, produits par l'entrée dans l'âge mûr, n'eussent point de retentissement dans sa production. Là était peut-être le danger le plus réel, parce qu'il tenait à l'être lui même. Burns pénétrait dans une période de vie moins spontanée, plus réfléchie, où l'on ressent moins, où l'on examine et ana- lyse davantage. 11 laissait moins travailler en lui l'inconscient. Cette belle production de Mauchline, si rapide qu'il l'oubliait presque, tendait à faire place à un labeur plus méthodique, à une préparation, à une possession plus consciente des moyens. Lui qui devait dire avec justesse de lui- même : « J'ai, deux ou trois fois dans ma vie, composé par volonté plutôt que par impulsion, mais je n'ai jamais réussi à faire rien de bon ^ », il parlait de travail, d'application.

Je n'ai pas grande foi dans les prétentions vaniteuses à une justesse par intuition et à une élégance sans travail. Les matériaux frustes du talent d'écrire sont certaine- ment le don du génie, mais je crois aussi fermement que l'habileté est due à l'effort réuni du travail, de l'attention et d'essais répétés ".

Le caractère et l'emploi de poète étaient jadis mon plaisir, mais ils sont maintenant mon orgueil. Je sais qu'une grande part de mon éclat de naguère était dû à la singu- larité de ma situation et à un honorable préjugé des Écossais ; mais, malgré tout, comme je l'ai dit dans la préface de ma première édition, je me considère comme tenant de la nature quelques prétentions au titre de poète. Je ne doute pas que le don,

1 To lady Glencairn, Dec. 1789.

2 To Alex. Cunningham, llth March 1791.

3 To the Hon. Henry Erskine, 22Qd Jaq. 1789.