Page:Angellier - Robert Burns, I, 1893.djvu/469

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— 458 -

l'aptitude à apprendre le métier des muses ne soit un présent de celui qui « forme les secrets penchants de l'âme », mais je crois tout aussi fermement que Vexcelknce dans la profession est le fruit de l'activité, du travail, de l'attenlion, de la peine. Du moius je suis résolu à soumettre ma doctrine à l'épreuve de l'expérience. Je diffère une seconde apparition imprimée jusqu'à un jour très lointain, un jour qui peut ne jam;iis arriver. Mais je suis déterminé à poursuivre la poésie de toute ma vigueur *.

Ces considérations sont justes. Il n'y a rien a y reprendre, sinon qu'elles indiquent un état d'esprit plus critique, l'introduction de plus de sang-froid dans le travail, une façon plus raisonnée et plus volontaire de produire.

Toutes ces choses conspiraient à éloigner Burns de sa manière native et naturelle ; elles le poussaient à l'imitation anglaise. Si, du moins, il s'était tourné vers les fruits récents. Déjà, depuis dix ans, Cowper avait émancipé la poésie, reconquis le naturel, donné des modèles délicieux de sincérité dans le sentiment et de liberté dans le vers. Burns le connaissait et c'est même un trait assez touchant que ce grand poète hésitant, faute de quelques shellings, à acheter les œuvres du poète anglais. « J'oublie le prix des poèmes de Cowper, mais je crois qu'il faut que je les aie ^. » A la rigueur, il aurait pu trouver de ce côté une forme souple, compatible avec son génie. Mais c'était un provincial. Il retardait et de presque un demi-siècle. On est étonné de le voir, passant par-dessus les efforts de Goldsmith et de Gray, remonter jusqu'à Pope, jusqu'à ce qu'il y a de plus froidement, de plus ingénieusement compassé dans la littérature anglaise. Naturellement cette imitation entraînait l'abandon de son dialecte natal, si savoureux, si preste, si pittoresque et plein d'effets inattendus. Il lui faut écrire en anglais pur, en anglais classique du xviii* siècle, pas celui de Fielding ou de Smollett, mais l'anglais le plus roide, le plus symétrique, le plus factice. Il lui faut aller tout droit aux défauts exactement opposés aux qualités qu'il possédait. On découvre là tout un nid de pièces dans le plus pur goût de 1740 : Epttre à Robert Graham, Sappho Rediviva , V Esquisse en vers dédiée à Fox, les Prologues pour le théâtre de Dumfries, YEpUre d'Esope à Maria, et jusqu'à un sonnet et une Ode sur le Bill de Régence, à propos de la maladie du roi. « J'ai fini une pièce dans la manière des Epttres morales, de Pope », disait-il en parlant de son épître à Robert Graham '. Il avait l'intention d'en écrire d'autres. « La pièce adressée à M. Graham est mon premier essai dans ce genre épisto- laire et didactique ^ ». Et encore : « J'ai récemment, c'est-à-dire depuis que la moisson a commencé, écrit un poème non pas en imitation mais dans la manière des Épîtres morales de Pope. Ce n'est qu'un court essai, juste

1 To Dr Moore, 4tli Jan. 1789.

2 To Peter Hill, 18th July 1788.

3 To Dr Blacklock, IStb Nov. 1788.

4 Ta the Hon. Henry Erskine, 22nd jan. 1789.