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Quand la foule rentrait, on s'occupait avec le même affairement et la même animation ardente des intérêts de l'appétit. La bouteille, la chan- son, la danse et la table à cartes occupaient la soirée, et donnaient au commerce social le pouvoir de retenir et de charmer jusqu'au retour du matin. Dumfries, par elle-même, ne pouvait offrir assez d'artisans de plaisir pour une si grande occasion. Il y arrivait des domestiques, des entremetteurs, des porteurs de chaises, des coiffeurs, des dames, les prêtres et les prêtresses de tous les séjours favoris où le Plaisir tient sa cour... Naturellement les personnes gaies d'un sexe attiraient les per- sonnes gaies et élégantes de l'autre * ». C'était donc une ville de dissipa- tion. « C'est peut-être, disait encore Héron, une ville de plus de gaieté et d'élégance que n'importe quelle autre ville de même grandeur en Ecosse ^ ». Il semble que Dumfries, par suite de son voisinage de la fron- tière, ressemblait davantage à une ville anglaise. La morosité presbyté- rienne y était tenue en échec par toutes ces distractions. Il y faisait meil- leur vivre qu'en beaucoup d'autres endroits. C'était bien l'avis de Smollett : « Nous poursuivîmes notre voyage jusqu'à Dumfries, ville de commerce très élégante, près de la frontière anglaise. Nous y trouvâmes une abondance de bonnes provisions et d'excellent vin, à des prix très raisonnables , et une installation aussi bonne à tous égards que dans n'importe quelle partie du sud de l'Angleterre. Si j'étais confiné en Ecosse a perpétuité, je choisirais Dumfries pour ma place de résidence.^

Entre ces moments de fièvre, Dumfries retombait dans l'oisiveté et la torpeur des petites villes, surtout à une époque de rares et lentes commu- nications. Ce désœuvrement n'était coupé que par la routine des fréquen- tations et des conversations de tavernes. Chambers, qui avait connu cette vie, en fait le tableau suivant ; c'est le pendant de celui qui précède. « Le fléau des villes de province est la paresse partielle ou complète d'une grande partie des habitants. Il y a toujours un noyau de personnes qui vivent de leurs rentes, et un nombre plus considérable de commerçants à qui leur boutique ne prend pas la moitié de leur temps. Jusqu'à une période très récente, la dissipation, plus ou moins intense, était la règle et non l'exception parmi ces hommes-là, et, à Dumfries, il y a soixante ans, cette règle était en vigueur. En ce temps-là, les plaisirs de taverne étaient en vogue parmi des personnes qui, aujourd'hui, ne rentrent pas dans un endroit public de plaisir une fois par an. Le monotone gaspillage de vitalité et d'énergie dans ces réunions boissonnantes du soir était déplorable. Des toasts insipides, des railleries mesquines, du bavardage vide sur des incidents futiles, des discussions

^ Observations made in a journey Ihroiigh l/ie Western Counties of Scolland by R. Héron, 1792, cité par Mac Dowall, p. 589.

2 Smollett. Humphry Clinker. Lettre de J. Melford, Sept. 12.