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Mais, oh ! le sentiment cruel que l'adieu pour toujours ! Angoisse sans mélange et pure agonie!

Farouche comme l'hiver qui maintenant déchire la forêt, Jusqu'à ce que la dernière feuille de l'été soit envolée, Telle est la tempête qui a secoué mon sein. Jusqu'à ce que mon dernier espoir, mon dernier confort fussent partis.

Cependant comme je te salue, ô funèbre décembre. Ainsi je te saluerai toujours avec chagrin et souci.

Car triste était l'adieu que tu me rappelles, L'adieu avec Nancy, oh ! pour ne plus nous revoir.

On peut, sans forcer les choses, présumer que Jane Arniour sentait entre elle et son mari de nouvelles intluences inconnues mais devinées, qui la lui rendaient de plus en plus étrangère. Sans savoir précisément où ses préoccupations allaient, il était impossible qu'elle ne sentît point qu'il n'était pas avec elle et que ce n'était plus jamais « de l'ouest » que venait maintenant la brise qu'il préférait.

Clarinda s'embarqua, vers les derniers jours de janvier 1792, sur la Roselle, le même navire qui avait dû emporter Burns aux Indes occiden- tales. Avant de partir, elle lui écrivit afin de lui donner les derniers avis de celle « qui aurait pu vivre ou mourir avec lui ^ ». Devant l'inconnu solennel d'un long voyage, elle reprenait son ton de prédication reli- gieuse ; sa lettre a l'air d'un petit sermon parsemé de citations bibliques. On croirait à un retour d'influence du révérend... « Cherchez la faveur de Dieu, gardez ses coinnuindements, soyez soucieux de vous préparer pour une éternité heureuse. Là, j'en ai l'espoir, nous serons réunis dans une félicité parfaite et éternelle * ». Son amour, qui avait épuisé les désenchan- tements terrestres, reportait ses espérances à un séjour futur d'oii les larmes sont bannies. En attendant, elle se préparait à accepter de la vie le bonheur moyen, le seul dont celle-ci dispose. « Je suis sûre que vous serez heureux d'apprendre mon bonheur. Je compte que ce sera bientôt ' ».

Mais, de ce côté-là encore, la pauvre Clarinda devait rencontrer des déceptions. Quand elle arriva à la Jamaïque, son mari, qui lui avait peut- être imposé cette terrible épreuve dans l'espoir qu'elle se mettrait dans son tort en refusant, la reçut avec froideur. Sur le pont même du navire, il fit usage envers elle d'expressions rudes. La malheureuse femme épuisée par le Noyage put à peine supporter ce nouveau coup. « La réception très froide que je reçus de M. Mac Lehose me donna un choc qui, joint au climat, dérangea mon esprit à tel point que je cessai d'être responsable de ce que je disais et faisais 2. » Elle crut qu'elle allait perdre la raison. « La bienveillance que mon mari me montra ensuite ne put pas dissiper

1 Mrs Mac Lehose lo Robert Burns, 25tli Jan. noZ.

2 Memoir of M^» Mac Lehose by her Grandson, p. 40.