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la complication de désordres nerveux qui me saisirent alors*. » Elle ne tarda pas à découvrir que M. Mac Lehose « comme la plupart des planteurs des Indes occidentales » avait toute une famille d'une maîtresse de couleur. Elle fut, selon le langage toujours convenable de Chambers « mortifiée de voir combien il lui avait été grossièrement infidèle pendant la période de leur séparation ^. » C'était un brutal et violent qui se plaisait à battre et à injurier ses esclaves devant elle, quand il était saisi de ses fureurs. Perdue, isolée, révoltée de ces scènes, la malheureuse femme fut prise d'un désespoir, dont le souvenir hanta sa mémoire. « Je me rappelle que j'arrivai à la Jamaïque il y a aujourd'hui vingt-deux ans. Ce que j'ai souffert pendant les trois mois que je restai là ! Dieu, donnez-moi de la gratitude pour la bonté que vous avez eue de me ramener à mon pays natal ^. » Le médecin la prévint que, si elle ne s'en retournait, sa vie était en danger. Au mois de juin, elle quitta de nouveau son mari. « Notre séparation fut très affectueuse. De ma part ce fut avec un sincère regret que ma santé m'obligea à l'abandonner. De la sienne, il en fut de même, selon toute apparence. Nous nous séparâmes avec des promesses mutuelles de constance et de mainte- nir une correspondance régulière*. » Elle remonta sur le même navire qui l'avait amenée et rentra en Ecosse vers la fin d'août 1792, six mois environ après en être partie. 11 convient d'ajouter que son mari ne tint aucune des belles promesses qu'il avait faites à propos de l'éducation de son fils, pour l'avenir duquel elle avait affronté ce long voyage et s'était imposé le plus cruel des sacrifices, celui de retourner près de cet homme et peut- être celui de subir jusqu'au bout sa comédie odieuse.

Tandis que Clarinda voyageait ainsi, le chagrin de Burns, dans les heures où il pensait à elle, avait pris la forme d'une mélancolie pensive. On en peut suivre l'écho dans une chanson, composée plus tard, mais dont on a rattaché, avec vraisemblance, l'inspiration à cet épisode de sa vie. On y trouve une adaptation poétique d'un joli passage de la correspon- dance de Clarinda, dont il lui avait dit qu'il s'emparerait quelque jour.

Maintenant, de son manteau vert, la gaie Nature s'habille,

Et écoute les agnelets qui bêlent sur les collines,

Tandis que les oiseaux gazouillent des bienvenues dans tous les bois verts.

Mais pour moi cela est sans délices, — ma Nannie est au loin.

Le perce-neige et la primevère parent nos bois, Et les violettes baignent dans la rosée du matin ; Ils font peine à mon triste cœur, tant doucement ils fleurissent. Ils me font penser à Nanie et Nanie est au loin.

1 Memoir of Mrs Mac Lehose, p. 40

2 R. Chambers, tom III, p. 261.

3 Memoir of M^s Mac Lehose, p. 42.

4 /d., p.41.