Page:Angellier - Robert Burns, I, 1893.djvu/488

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Mais, Madame, laissons les sentiers cpii mènent à la folie. Je félicite voè amis de votre retour, et j'espère cpie la précieuse santé qui, d'après ce que me dit Miss Peacock, a été si ébranlée, est rétablie ou en train de se rétablir

Je vous présente un livre (c'était la dernière édition de ses poèmes), puis-je espérer que vous l'accepterez ? Aurai-je de vos nouvelles? Mais d'abord, écoutez-moi. Pas de froid langage, pas d'avertissements de prudence ; je méprise les conseils et dédaigne tout conliôle. Si vous ne devez pas m'écrira dans le langage, si vous ne devez pas m'exprimer les sentiments, que vous savez que je désire recevoir, et que je serai heu- reux de recevoir, je vous en conjure, par l'orgueil blessé ! par la paix ruinée! par la passion frénétique et déçue ! par tous ces maux nombreux qui composent cette suprême douleur humaine, un cœur brisé ! ! restez pour moi silencieuse à jamais. Si jamais vous m'insultez par les apophthegmes insensibles du sang-froid et de la

prudence, puissent tous mais assez I un démon ne pourrait exhaler un souhait

malveillant sur la tête de mon ange ! Rappelez-vous bien ce que je vous demande. Si vous m'envoyez une page baptisée aux fonds d'une sanctimonieuse prudence, par le ciel, la terre et l'enfer! je la déchire en atomes! Adieu I puissent toutes choses heu- reuses vous accompagner! 1

C'est la lettre d'un frénétique. A certains endroits, on croirait presque que c'est la lettre d'un homme excité de boisson, tant cela est en dehors de toutes bornes de raison.

Après cette lettre, une pleine année s'écoule sans trace de correspon- dance entre les deux amants. Il est probable, il est certain même qu'ils s'écrivirent : ils se comprenaient de moins en moins. Clarinda, ébranlée par ses dernières épreuves, fatiguée de corps et de cœur, g:agnée d'ailleurs par l'âge, entrait dans une période plus apaisée. Comme son amour faisait réellement partie de sa vie, il se modifiait avec elle ; il devenait plus calme parce qu'il était sincère et qu'il tenait à son âme. Elle comprenait de plus en plus leur liaison comme une amitié dévouée. Burns, en qui cet amour était uniquement une excitation d'imagination ou de sens, ne voulait pas comprendre qu'il piit changer. En sorte que c'était, ce qui arrive souvent, l'amour vrai qui devenait paisible et l'amour factice ([ui restait violent. Elle lui avait écrit pour lui parler d'amitié ; il ne lui avait pas répondu ; elle lui écrivit de nouveau et cette fois on a sa réponse, datée du 25 juin 1794. Cette lettre — la dernière — est écrite pendant une tournée d'Excisé, sur une table d'auberge, en face d'une bouteille de vin. Il s'en échappe d'abord une tendresse d'anciens souvenirs. C'en est la meilleure partie. Mais que le reste est pénible ! un accès de plaisanterie forcée, et quelque chose comme un souvenir d'ancienne bonne fortune, traîné dans des fins de dîners copieux et bruyants, je ne sais quelle fanfaronnade d'amour inconvenante.

Avant de me demander pourquoi je ne vous ai pas écrit, informez-moi d'abord comment je dois vous écrire. « En amitié », dites-vous. J'ai maintes fois pris la plume pour essayer de vous écrire une lettre « d'amitié ». 3Iais c'est impossible ; c'est

1 To Mrs Mac Lehose. March 1793.