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Alouette, toi qui t'élances des rosées des prairies, Pour avertir le berger de la ligne grise de l'aurore, Et toi moelleux mauvis qui salues la descente de la nuit. Cessez, par pitié, — ma Nanie est au loin.

Viens, Automne, si pensif, en jaune et en gris. Et apaise-moi en m'annouçant le déclin de la Nature; Le noir, le lugubre Hiver et la neige farouchement chassée Peuvent seuls me charmer, — maintenant que Nanie est au loin •.

Après son retour à Edimbourg, il est probable que Clarinda, épuisée par sa double traversée et ses pénibles commotions, resta pendant long- temps trop souffrante pour lui écrire. Peut-être aussi considérait-elle leurs adieux comme le scellement mis sur un amour, qui, pour être res- pecté, ne devait plus être rouvert ; et sa courte réconciliation avec son mari comme une terre qui le recouvrait à jamais. Au mois de décembre 1792, six mois après le retour de Clarinda et juste un an après leur sépa- ration, il ignorait qu'elle fiit rentrée, ainsi que le prouve le billet qu'il écrivait à une des amies de sa maîtresse, à Edimbourg.

Chère Madame, je vous ai écrit si souvent sans recevoir de réponse que j'avais pris la résolution de ne plus lever ma plume vers vous ; mais ce jour mémorable, le six décembre, ramène à ma mémoire une telle scène 1 Ciel et terre ! Quand je me rappelle une personne exilée au loin 1 mais pas un mot de plus à ce sujet, jusqu'à ce que j'apprenne de vous votre véritable adresse, et pourquoi mes lettres sont restées sans réponse, car celle-ci est la troisième que je vous envoie 2.

Il n'apprit qu'au commencement de l'année suivante que Clarinda était en Europe depuis plus de six mois. Sa colère éclata dans une lettre écrite probablement sous le coup de cette nouvelle et qui semble incohé- rente à force de violence. Elle est datée du mois de mars 1793.

Je suppose, ma chère Madame, qu'en négligeant de m'informer de votre arrivée en Europe — circonstance qui ne pouvait pas m'être indifférente , comme à vrai dire rien de ce qui vous concerne — je suppose que vous avez voulu me laisser deviner et voir qu'une correspondance, que j"eus naguère l'honneur et la félicité de goûter, ne doit plus jamais être. Ilélasl quels sons lourds, écrasants sont ces mots : «jamais plus! » Le malheureux qui n'a jamais goûté le plaisir n'a jamais connu la détresse; ce qui pousse l'âme à la folie c'est le souvenir de joies qui ne seront « jamais plus ». Ceci n'est pas le langage qu'il faut parler au monde ; il ne le comprend pas. Mais vous autres, \'enez, les quelques-uns — les fils du Sealiment et de la Passion ! vous dont les cordes du cœur tremblent et gémissent d'une angoisse indicible, quand le souvenir se précipite dans votre cœur! — vous qui êtes capables d'un attachement pénétrant comme la flèche de la mort, et puissant comme la vigueur de l'Être immortel — venez, et vos oreilles vont s'abreuver d'une histoire... mais, silence ! Je ne dois pas, je ne puis pas la dire : une agonie est dans ce souvenir, la démence est dans ce récit !

1 My Nanie s awa.

2 To Miss Mary Peacock. Dec. 6th , n92.